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Alain Rolkowski : un technicien pionnier de l’électrique Rédigé par Philippe Schwoerer le 08 Mai 2015 à 00:00 0 commentaires

Obtenir le témoignage d’un acteur professionnel de la mobilité électrique des années 1990 à 2005 n’a rien d’évident. Beaucoup sont partis avec le sentiment de ne pas avoir pu aller au bout de leur démarche ou ont eu l’impression que leur employeur avait fait table rase de leurs travaux. Pour l’Avem, Alain Rolkowski, qui parcourait la France et quelques pays étrangers afin d’assurer la réparation et l’entretien des Renault Express, Clio, et Kangoo de première génération, a ouvert les portes virtuels d’un service aujourd’hui disparu. Il nous a aussi donné son top 3 argumenté des VE actuels.

La clé de 13 à la main depuis l’âge de 15 ans

« A l’âge de 15 ans, j’ai commencé mon apprentissage de la mécanique sur des engins agricoles », explique Alain Rolkowski qui est ensuite entré au service d’un agent Renault dans le département de la Somme d’où il est originaire. Il se souvient très bien du 5 avril 1976 : « C’est ma date d’entrée à la RNUR [NDLR : Régie nationale des usines Renault], à Courbevoie ». Après 25 ans d’un parcours professionnel au cours duquel il a assuré le remplacement de différents chefs d’unité, le siège de Boulogne-Billancourt (92) l’accueille à la direction VE du losange. Nous sommes en 2001. L’expérience ne durera finalement qu’une poignée d’années : « En 2005, mon service a été dissous. J’ai alors été intégré à celui chargé de l’assistance des véhicules électriques, au Technocentre de Guyancourt (78) ».

2001 et 2005 : l’époque des Kangoo Electri’Cité et Elect’Road

« Entre 2001 et 2005, j’ai accompagné la commercialisation des différents modèles de Kangoo électriques. Notre direction était incluse au groupe Renault, mais indépendante dans son fonctionnement », explique Alain Rolkowski. Tel est le principe du « business unit » qui, s’il peut paraître confortable, n’est pas exempt d’inconvénients : « Notre équipe de 15 personnes ne pouvait pas bénéficier de l’assistance des autres services de Renault. Communication, formation, rédaction des manuels d’utilisation et d’assistance, etc. : pour tout cela, nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes ! ». Les compétences à développer étaient donc très vastes : « On a fait la promotion, la livraison, le suivi à l’usine, la réalisation de films publicitaires et de brochures, tout en continuant à assurer la maintenance des Clio, Express, et même quelques Master commercialisés depuis 1993. Nous avions à l’époque le titre de ‘manager service’ qui nous facilitait l’ouverture de certaines portes en interne ». Soutenue jusqu’à sa retraite par Jacques Lemonnier, directeur de le division « Europe flotte » à laquelle il était rattaché, le service perdra progressivement son personnel sous l’impulsion d’un successeur bien moins convaincu par la mobilité électrique.

Film publicitaire

« En 2003, nous avons produit un film publicitaire [NDLR : Voir à droite de la photo principale, l’encadré réservé à la vidéo associée], hélas jamais diffusé, pour promouvoir le Kangoo Elect’Road, la version avec prolongateur d’autonomie à essence du modèle Electri’Cité », se rappelle le technicien retraité. Le tournage mettait en scène un jeune couple qui se rendait à Lugano, en Suisse, depuis la région parisienne. La copie mise en ligne sur Youtube par Alain Rolkowski n’est pas d’excellente qualité, mais on peut le reconnaître au volant de l’engin dans la concession, sur les premières images. « La réalisation de ce film de presque 30 minutes m’a permis de rencontrer quelques personnalités très différentes, comme la duchesse de Mac Mahon de Magenta, et le ministre de l’économie du Canton de Genève, Carlo Lamprecht ».

Anecdotes techniques et de développement

L’équipe d’Alain Rolkowski a dû faire face à un problème majeur avant le lancement des Kangoo Electri’Cité et Elect’Road : la faillite du fournisseur du moteur électrique. Leroy-Somer le remplacera. « J’ai eu la chance de pouvoir rencontrer la direction de SVE (filiale Dassault) qui comptait mettre sur le marché des Kangoo électriques améliorés, avec une chaîne de traction canadienne leur permettant d’avoir une autonomie d’environ 250 kilomètres grâce à une batterie lithium Saft », nous confie-t-il, en pensant à la première génération de Cleanova. A l’époque, il n’existait dans le monde aucune voiture électrique de série qui exploitait cette technologie d’accumulateurs. « Avant de disparaître, le service avait déjà réalisé un prototype lithium-ion, avec ces mêmes batteries. Il avait une autonomie de 170 kilomètres, et disposait à nouveau d’un prolongateur d’autonomie », relate notre interviewé, qui déplore que tout ce travail soit resté sans suite.

L’impulsion de Louis Schweitzer

« J’ai eu la chance de connaître Louis Schweitzer, alors à la tête de Renault. Dès le début des années 2000, il a véritablement voulu faire la promotion du véhicule électrique. C’est lui qui a imposé au comité de direction la réalisation des Kangoo Electri’Cité et Elect’Road ». Un passage en force qui n’a pas toujours été apprécié de toutes les directions du Losange. Ce scénario, doublé des relatives mauvaises ventes de VE, va précipiter le service d’Alain Rolkowski vers son démantèlement, en mai 2005, tout juste après le départ de Louis Schweitzer. C’était sans compter avec la volonté de son remplaçant, Carlos Ghosn, qui martèlera quelques mois plus tard : « Renault fera du véhicule électrique ! ». Alain Rolkowski se souvient très bien de l’insistance avec laquelle le nouveau PDG fera revenir la question de VE au cœur de l’entreprise.

Les années au Technocentre

Après la dissolution du service d’Alain Rolkowski, les fonctions d’entretien et d’assistance des véhicules électriques furent déplacées au Technocentre de Guyancourt. « Pour l’assistance technique, nous devions continuellement nous déplacer en France, mais aussi en Belgique, Hollande, Norvège, Suisse, et Autriche ». Une liste quelque peu limitée. Même si la promotion des Kangoo Electri’Cité et Elect’Road a été faite en Allemagne, Grande-Bretagne, et au Canada, ils n’y ont jamais été commercialisés. « Ma fonction première était de me rendre dans les garages qui n’étaient pas habilités à faire l’entretien des véhicules électriques. Il s’agissait de permettre aux clients équipés de ces modèles de les déposer pour intervention auprès de tout agent Renault ». Pour les garages agréés, Alain Rolkowski assurait l’assistance technique (Techline) par téléphone ou via l’Intranet. « Au besoin, je me déplaçais pour effectuer moi-même les opérations les plus complexes, en particulier pour intervenir directement sur les bacs de batteries », indique-t-il, signalant qu’ils n’étaient que 3 techniciens dans toute la France à pouvoir pratiquer ce type d’interventions. « Je devais aussi être en relation avec l’ingénierie pour améliorer l’existant », se rappelle-t-il, citant l’exemple de l’OTS (opération technique supplémentaire), « par laquelle nous avons contrôlé et réaligné le pack des batteries NiCd des Kangoo électriques, mais aussi changé leur logiciel d’exploitation ».

Une mise en eau impérative

« Dans les premiers temps, l’opération la plus courante que j’étais amené à réaliser au cours de mes déplacements était la mise en eau des batteries NiCd. Elle devenait indispensable après 3.500 kilomètres parcourus », explique le technicien aujourd’hui à la retraite. Sans ce rituel, les accumulateurs se détruisaient rapidement. Bien entretenus, en revanche, ils sont encore nombreux à être opérationnels aujourd’hui, plus de 10 ans après leur fabrication, et sans perte de capacité.

Des clients illustres

« Je suis personnellement intervenu sur les Kangoo électriques de Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand, Ellen MacArthur et de l’Elysée, ainsi que sur les Clio électriques de fonction des ministres du transport et de l’environnement de l’époque, Claude Gayssot et Dominique Voynet », se rappelle notre technicien.

Bilan contrasté

« J’avais particulièrement à cœur de trouver une deuxième vie pour les Kangoo électriques dont les contrats de location arrivaient à échéance dans les grandes entreprises (EDF) ou les administrations », reconnaît Alain Rolkowski. Grâce à cette action, un grand nombre de ces véhicules branchés de première génération circulent encore en France et à l’étranger, en particulier en Norvège, et, de façon plutôt inattendue, en Allemagne, où ils n’ont jamais été commercialisés neufs. « Ce que je déplore, c’est qu’avec mon départ à la retraite, Renault a totalement arrêté le service d’assistance itinérant pour les véhicules électriques de la génération 1993-2005 », lâche-t-il. Un scénario qui s’était déjà produit en 1998 avec les Clio et Express. « Je trouve totalement dommage, déjà pour l’image de l’entreprise, qu’on laisse sur le bord de la route les pionniers des véhicules électriques anciens qui sont encore en circulation aujourd’hui. Je les évalue respectivement à environ 50 et 20%, pour les Kangoo d’une part, et les Express et Clio de l’autre ».

Toyota Prius

Pour Alain Rolkowski, même s’il ne s’agit que d’une hybride, la Toyota Prius a été la meilleure ambassadrice de la traction survoltée: « Il faut se rappeler qu’à ses débuts, quand on parlait d’un véhicule électrique, pour beaucoup, c’était l’exemple de la Prius qui arrivait en tête ». Mais aujourd’hui, s’il devait élire les 3 modèles du marché les plus convaincants, ce seraient la Renault Zoé parce qu’elle a été étudiée de suite pour la traction électrique, la Tesla Model S pour son autonomie et son habitabilité, et la Bluecar de Bolloré pour son adaptation aux services d’autopartage, même si le fait de devoir la laisser toujours branchée en dehors de son utilisation est son point faible.

Technologie d’avenir

« Les véhicules électriques proposés désormais aux automobilistes se sont fortement améliorés, à tous les points de vue », estime le retraité, citant le confort, la fiabilité, l’autonomie, la capacité des batteries, l’entretien plus aisé, ainsi que les différents modes de recharge possible. « Je suis persuadé que le VE a de l’avenir, et qu’il va encore s’améliorer. Il a toute sa place dans la mobilité électrique de demain », assure-t-il. « Et pour ceux qui ont des besoins réguliers en déplacements longs, il y a les hybrides rechargeables qui évitent d’avoir à posséder deux voitures, gommant leur prix plus élevé ».

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