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Dans la peau d’un porteur de journaux en voiture électrique Rédigé par Philippe Schwoerer le 12 Mai 2015 à 00:00 0 commentaires

Rapidement interrogés, les postiers qui utilisent des véhicules électriques indiquent que l’autonomie annoncée par les constructeurs est réduite de moitié avec un usage de distribution du courrier. Je me suis mis dans la peau d’un porteur pour un quotidien régional, histoire de constater sur le terrain ce qu’apporte un véhicule électrique.

Profil de la tournée

La tournée que j’ai assurée pendant une bonne semaine est longue d’une trentaine de kilomètres, pour 80 à 95 abonnés à livrer, selon le jour. Ce sont les vendredis, samedis et lundis qu’elle est la plus lourde, respectivement en raison du supplément TV, du programme du week-end, et des résultats sportifs. Les journaux sont à prendre en charge vers 5h30 du matin en un point central du territoire couvert, et à distribuer en 75 minutes, avec une marge d’un quart d’heure. Dany, mon formateur pour l’occasion, boucle le tour en 1h30, dans les meilleures conditions : pas de factures ou de tracts supplémentaires à distribuer, temps sec, absence de poubelles sur les trottoirs, etc. La distance entre deux boîtes à lettres est très variable, de 10 mètres à 3,2 kilomètres.

Choix du véhicule électrique

Bolloré Bluecar, Nissan Leaf ou e-NV200, Renault Kangoo ou Zoé… : quelle voiture électrique choisir pour notre mise en situation ? Lors de ma formation à la tournée, j’ai remarqué les difficultés à repartir rapidement de certaines cours intérieures du fait des dimensions du Renault Espace diesel hors d’âge mis entre mes mains. Ciel de toit arraché, systèmes d’ouverture des portes cassés, moteurs des vitres paresseux, jauge à carburant définitivement accrochée au zéro, plus de 400.000 km au compteur, nuages de fumées noires garantis à l’accélération, etc. : bref, le parfait candidat à éliminer pour décrocher le superbonus à l’achat d’un VE ou d’un hybride rechargeable parmi les plus sobres. Finalement, pour sa faculté à tourner très court, c’est la Citroën C-Zéro familiale qui remplacera l’engin à bout de souffle. En outre, la faible largeur de cette citadine branchée permet d’accéder avec de moindres gestes aux journaux empilés devant et sur le siège passager à côté du conducteur.

Objectif : Silence

Le premier point positif espéré par la livraison des journaux avec un véhicule électrique, c’est la réduction du bruit tôt le matin, au bénéfice des riverains et des abonnés. Une attention que l’on peut parfois accompagner en rejoignant à pied la boîte suivante, quand l’opération ne prend pas plus de temps que de remonter dans un engin qu’il faudra ensuite manœuvrer. Eh bien, ce n’est pas toujours gagné ! Premier jour en solo, première boîte à livrer, dans une petite cour intérieure encombrée : je laisse la voiture, mais le sol recouvert de gravier bruisse sous mes pas volontaires. Un voisin qui a détecté ma présence ouvre la porte en laissant apparaître son chien énervé, heureusement encore tenu à la laisse ! Le vieux diesel et le double claquement de porte étaient finalement plus rassurants pour les riverains que mon rapide aller-retour de piéton sur les cailloux. Dès le lendemain, je reprendrai donc la C-Zéro pour cette délicate opération particulière : ce sera plus sûr pour moi, et plus identifiable pour les habitants de l’impasse.

Le bruit du moteur : la carte de visite du porteur

Du gravier, je vais en rencontrer finalement souvent, qui rend l’effort de silence sur la motorisation parfaitement inutile. Les roues de mon VE sont pourtant plutôt étroites, mais elles marquent tout autant leur passage dans ces conditions qu’avec un véhicule bien plus lourd. Les abonnés que j’ai pu interroger sur le champ ou par la suite sont habitués au bruit du vieux diesel. Son claquement signe le passage du porteur. Un repère dont l’absence apparaît perturbante. Sauf pour les voisins, plus sensibles à la relative discrétion de la C-Zéro, sur un sol plus stable. Entre les bips-bips pour portière ouverte et ceinture de sécurité non attachée, et la pompe électrique d’assistance au freinage, ma voiture se fait encore trop remarquer, en particulier des chiens. Dans une ferme, l’un d’eux est carrément venu planter ses crocs sur un pneu arrière. Plus ou moins dressé ainsi afin de rassembler les vaches, ce border collie a profité de l’absence de pot d’échappement pour me signifier que je n’avais rien à faire près de la boîte à lettres de ses maîtres, exploitants agricoles.

Absence d’embrayage

Les avantages à effectuer une tournée avec un véhicule électrique concernent surtout son conducteur. L’absence d’une pédale d’embrayage et d’un levier à actionner pour changer de vitesse soulage le genou gauche et le poignet droit. Je l’ai constaté dès ma première tournée en solitaire, après celle que j’ai effectuée en binôme au volant de l’Espace habituel. En outre, toute la puissance du moteur étant disponible de suite sur un VE, évoluer de boîte en boîte se fait à un rythme assez soutenu lorsqu’elles sont distantes de quelques dizaines de mètres, et qu’il est possible de distribuer les journaux sans descendre de la voiture. Et là, pour le coup, le silence d’accélération évite de perturber les riverains.

Du côté de la consommation

On s’en doute, les arrêts et redémarrages fréquents influent nettement sur l’autonomie. En côte, l’énergie à fournir est plus importante ; en descente, les ralentissements après redémarrages ne sont pas assez longs pour régénérer significativement la batterie. En bref, on perd sur les 2 tableaux. Au total, j’ai consommé 30% de plus qu’en faisant, sans arrêts, la même boucle, soit environ 50% au-dessus du chiffre annoncé par Citroën pour sa citadine électrique. Un résultat qui apparaît bien meilleur que celui obtenu par les facteurs, mais qui accrédite pourtant leurs témoignages : eux doivent s’arrêter à toutes les boîtes, avec de plus nombreuses relances au final.

1h18 pour réaliser la tournée

Je devais m’acquitter de la tournée en 1h15. Mon formateur sait la boucler en 1h30. J’ai finalement fait mieux que lui, avec seulement 3 minutes d’écart par rapport à l’exigence du prestataire. Cette performance a été rendue possible par la vivacité des véhicules électriques en général, mais aussi par les caractéristiques très particulières de la C-Zéro que peu d’autres VE partagent : repartir des cours sans avoir à reculer, approcher certaines boîtes pour délivrer le quotidien sans devoir descendre de la voiture grâce à son museau court, proximité du siège passager qui réduit l’amplitude des gestes à effectuer pour saisir le journal, le plier, et le redéposer en attendant le prochain arrêt.

Le VE : un bon outil pour le porteur

Au final, dans le cas d’un service de distribution à domicile, le véhicule électrique profite avant tout aux riverains et à son conducteur, plutôt qu’aux abonnés ou clients qui déduisent qu’ils ont été livrés en identifiant au bruit l’engin du porteur. Pour autant, l’été, lorsque la fenêtre de la chambre est ouverte, mieux vaut avoir en bas de chez soi un véhicule électrique qu’un vieux diesel qui embaume de manière très caractéristique son environnement. Au volant d’un VE, le livreur éprouve plus de confort qu’avec son homologue thermique : moins de bruit, absence de vibration, moins de gestes répétitifs à effectuer, etc. Et lorsqu’il s’agit d’utiliser son propre véhicule contre dédommagement kilométrique forfaitaire, ce sont, par les économies réalisées sur les dépenses de carburant, 100 euros et plus qui s’ajoutent chaque mois à un revenu plutôt assez faible. A noter que, si la tournée que j’ai pris en charge ne peut être servie avec un vélo assisté du fait du timing à respecter, un maxi-scooter électrique équipé en conséquence serait parfaitement exploitable, permettant même d’approcher au mieux toutes les boîtes à lettres, sans avoir à quitter la selle !

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