Le Vehicle-To-Grid (V2G) est un concept de charge bidirectionnelle bien établi. Où en est cette technologie en pratique, et quels sont les obstacles à surmonter avant que le V2G ne prenne de l’ampleur ?
Un concept simple
Le concept du V2G est bien établi et part d’un constat simple. D’un côté, les véhicules électriques devraient représenter une proportion toujours plus croissante de notre parc automobile dans les années qui viennent, du fait de contraintes environnementales et législatives. Ces véhicules seront bien entendu tous équipés de batteries, capables de stocker l’électricité nécessaire au fonctionnement de ces véhicules.
De l’autre côté, la production électrique devrait voir la part des renouvelables se développer dans le mix énergétique, poussé à la fois par une baisse du coût de production des énergies solaires et éoliennes et l’engagement politique pour décarboner la production électrique. Cette production sera fonction de facteurs météos variables.
Le V2G se propose d’allier les deux éléments, et d’utiliser les batteries des voitures en stationnement comme une source de stockage lorsque la production d’électricité via les énergies renouvelables est supérieure à la demande. Ces voitures reverseraient cette énergie sur le réseau lorsque le rapport demande / offre s’inverserait.
Le propriétaire d’un tel véhicule pourrait ainsi bénéficier de tarifs électriques à bas prix lors de jours très ensoleillés ou venteux, et revendre ce surplus à meilleur prix plus tard. Pour l’opérateur du réseau électrique, l’intérêt est d’arriver à mieux gérer les hauts et bas de la production électrique renouvelable.
Une mise en place réduite
On compte déjà plusieurs véhicules électriques équipés pour la charge bidirectionnelle, notamment la Nissan Leaf, et plusieurs standards de bornes rapides comme CHAdeMO sont équipées pour un courant à la fois sortant et rentrant.
En pratique cependant, cette possibilité de charge bidirectionnelle est peu utilisée. La charge bidirectionnelle est pensée avant tout comme une source d’électricité alternative pour le foyer lors de coupures de courant, ou au mieux comme récipient de sources d’énergies renouvelables produites sur place. On est donc bien loin de la vision du V2G comme un régulateur effectif des pics et creux de demande sur l’ensemble du réseau électrique.
Il existe d’autres projets plus ambitieux, notamment ceux lancés par Nissan et ENEL en Europe. Depuis un an maintenant un hub V2G commercial de 10 fourgonnettes est en place au Danemark, un autre d’une centaine de véhicules V2G (Nissan Leaf et fourgons Nissan e-NV200) au Royaume-Uni, et plus récemment un autre en Italie.
Le fabricant automobile français PSA s’est récemment investi dans le projet GridMotion, qui cherche à quantifier la réduction du coût de l’utilisation des véhicules électriques au travers d’une flotte de 15 véhicules Peugeot iOn ou Citroën C-zero qui utilisent les stations de charges bidirectionnelles Enel.
L’échelle réduite de ces projets montre que le V2G est encore bien loin de son ambition affichée pour le long terme. Pourtant, les différences de prix sur le marché électriques dans une même journée donnent déjà un argument économique important au V2G.
Comme l’explique Mathieu Guenee, chef d’équipe chez le courtier en énergie pour professionnels UtilityWise, « la diversité des énergies renouvelables a un effet déjà conséquent sur les prix de l’électricité en Europe. Les centrales nucléaires et à énergie fossiles ne peuvent pas forcément adapter leur production rapidement en fonction des conditions météorologiques (soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons économiques). Le marché européen de l’électricité connaît donc depuis quelques années des épisodes où le prix de l’électricité chute soudainement lorsque la production des renouvelables monte en flèche. On enregistre même des périodes où le prix de l’électricité devient négatif. »
Ces épisodes où l’utilisateur est payé pour consommer de l’électricité sont assez fréquents en Allemagne, le pays générant un tiers de sa production électrique au travers des renouvelables. La variabilité des prix de l’électricité devrait s’accroître dans les prochaines années partout en Europe.
Deux points principaux doivent être résolus avant que le V2G puisse faire une vraie poussée sur le marché.
La peur du vide
Afin que ce système fonctionne, il faut que les batteries électriques aient non seulement une charge de stockage conséquente afin d’assurer un kilométrage autonomique suffisant au propriétaire du véhicule pour ses déplacements quotidiens, mais aussi pour capturer un surplus électrique conséquent au-delà de ces besoins.
En attendant une batterie plus autonome, les projets V2G en place maintenant sont généralement basés sur une alternance de courtes périodes de charge et décharge. Cela permet de réduire le risque de trop vider la batterie, mais ne permet pas de prendre vraiment avantage des grands pics et creux de production des renouvelables qui sont souvent sur des périodes plus longues, comme la différence entre la production de nuit et de jour.
Certaines visions du V2G prévoient une relativement simple pour éviter que la batterie ne s’appauvrisse trop au mauvais moment. L’utilisateur pourrait informer par avance le réseau de tous déplacements plus longs que la normale au travers d’une application smartphone.
Les batteries électriques ont fait d’énormes progrès ces dernières années, ce qui diminue de plus en plus ce problème. Samsung SDI, la filiale du grand groupe industriel coréen, a dévoilé par exemple récemment une batterie pouvant atteindre 500km après seulement 20 minutes de charge. Et le dernier modèle de Tesla couvre jusqu’à 400km en une seule charge.
Un réseau pas encore assez intelligent
Le V2G dépend d’une information circulant en continu entre le réseau et les véhicules, afin de gérer les pics et creux de la façon la plus efficace. Cette technologie fait donc se croiser le Cloud Computing avec le réseau électrique traditionnel. Plusieurs projets, dont le Energy & Flows of Energy Systems se penchent sur cette problématique, en imaginant une véritable centrale électrique virtuelle nécessaire pour calculer en temps réels les besoins de stockage en fonction de la production et demande électrique à ce moment-là.
Ces réseaux intelligents permettant de prendre en compte de nombreux facteurs en temps réels sont difficiles à mettre en place techniquement, mais sont déjà couramment employés en industrie au travers notamment de capteurs numériques relayant une information en continu. La difficulté est d’adapter ces réseaux intelligents sur une échelle beaucoup plus vaste, dans un milieu beaucoup moins contrôlable qu’une usine. Le système devrait être par exemple suffisamment robuste pour prendre en compte des informations provenant de paramètres aussi variables comme la météo (taux d’ensoleillement affectant les renouvelables) ou la capacité de stockage du réseau (à quelle heure de la journée les véhicules sont en déplacement versus en charge).
La réalité de l’utilisation du V2G dépendra donc d’avances dans le domaine de l’intelligence artificielle pour gérer au mieux ce système prometteur mais complexe.
Finalement, il est bon de rappeler que l’industrie des renouvelables mise également sur d’autres technologies pour solutionner ses problèmes de variabilité. La centrale solaire de Ouarzazate au Maroc par exemple utilise un système de stockage thermique au travers de sels fondus qui lui permet de lisser la production, et de produire de l’électricité solaire même pendant la nuit.
L’AVEM remercie Monsieur SAIDI de nous avoir fourni ce travail détaillé que nous pouvons faire partager aux lecteurs de l’association.
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