Il n’est pas dans nos habitudes de relayer les ventes de véhicules électriques. Mais quand il s’agit d’un modèle rarissime, d’une valeur historique incontournable, fiabilisé et en parfait état de marche, difficile de ne pas lui offrir une petite vitrine ! Cette Dauphine Henney Kilowatt, conçue au départ pour le marché américain, a reçu des batteries NiCd en arrivant en France il y a moins de 10 ans. Elle sera proposée aux enchères, lundi 1er mai 2017, à l’espace Art of Racer d’Obenheim, dans le Bas-Rhin.
Vente Osenat
A l’origine, la vente aux enchères organisée en Alsace par la Maison Osenat, le jour de la Fête du travail, a pour objectif de disperser deux grandes collections locales. Elles comptent à elles deux plus de 150 voitures et motos, ainsi que du matériel ancien de garage, et diverses pièces annexes classées automobilia (miniatures, porte-clés, autocollants, etc.). Tous les lots seront visibles sur place, dans les anciennes usines BASF, rue de Daubensand, à Obenheim, du vendredi 28 au dimanche 30 avril, de 10 à 19 heures. La Dauphine Henney Kilowatt de 1959 a été évaluée par les professionnels entre 30.000 et 40.000 euros, soit sensiblement dans la même tranche que les Volvo P1800 S (1965), Jaguar XK 150 coupé (1960), Ford A roadster (1931), Mercedes 230 SL (1967), et Jaguar Type E série 2 2+2 qui figurent également au catalogue de la vente dans le même parfait état.
Historique connu
Les documents fournis par la Maison Osenat certifient que l’origine et l’historique de cet exemplaire de Dauphine Henney Kilowatt sont connus, détaillant : « Elle a été livrée neuve à la Northem States Power Company, une société de fourniture d’électricité, ses agents l’utilisant pour relever les compteurs des usagers. Elle a ensuite été achetée par l’université du Minnesota pour former les étudiants à la motorisation électrique. Elle n’a connu qu’un seul autre possesseur jusqu’à son achat en 2009 par le propriétaire actuel ». A l’origine, cette Dauphine est l’une des 8 unités de Henney Kilowatt livrées en 1959 avec une chaîne de traction 72 V. Selon la Maison Osenat, il n’en existerait que 2 en état de rouler en France, l’autre étant à l’abri du conservatoire Renault. Le compteur affiche un kilométrage très probablement d’origine de 6.800 miles environ, soit à peu près 11.000 kilomètres.
CG normale
Le propriétaire actuel de ce petit bijou, véritable passionné et promoteur de la mobilité électrique, historique et actuelle, a tout particulièrement soigné la restauration de cette voiture, aussi bien avec le souci de la rendre attrayante que d’en préserver son identité, comme les collectionneurs progressistes savent si bien le faire. A la clé, un véhicule capable de petits déplacements sur les départementales et reconnue par l’administration française. Cette dernière l’a acceptée en carte grise normale via un artifice exceptionnel : Elle est référencée comme Renault Dauphine thermique, les services de la préfecture ne connaissant pas la marque Henney. Son dernier contrôle technique date de 2011. La voiture a davantage été exhibée dans différentes manifestations qu’utilisée pour la promenade.
Restauration et modernisation récente
L’actuel propriétaire de cette Henney Kilowatt s’est permis de changer sa teinte, en respectant toutefois l’histoire du constructeur américain. D’une couleur grise peu attirante, elle a été repeinte il y a une dizaine d’années en rouge Montijo, également au nuancier. Les batteries au plomb peu fiables pour une utilisation très ponctuelle ont été remplacées par « d’inusables » accumulateurs NiCd Saft. La voiture y gagne en poids, autonomie, fiabilité et facilité d’utilisation. Le chargeur désormais compatible 220 V (Manzanita PFC 20) et le convertisseur (Curtis PMC1221) ont donc été changés et adaptés, de même que les amortisseurs arrière du fait de l’allégement d’une centaine de kilos de l’engin. Pneus (Michelin gamme « Collection ») et freins sont récents. Afin de rendre visible le cœur de cette voiture, les capots avant et arrière ont été découpés, recevant des vitres d’observation, très pratique pour ne pas risquer de mauvaises manipulations de la part des visiteurs des salons dans lesquels elle a été régulièrement exposée. Cette dernière transformation a été réalisée du temps de la vie de cette HK sur le sol américain.
Anecdote
Ayant personnellement exposé des véhicules électriques à coté de cette voiture, je peux attester de sa qualité de restauration. Je l’ai vu fonctionner, et c’est assez impressionnant. L’anecdote qui me vient à l’esprit, est le moment où il a fallu déplacer cette Henney Kilowatt de son dallage de moquette en fin de manifestation. Très sensible à l’accélérateur, cet engin demande un peu de doigté pour la manœuvrer dans un espace assez restreint. Son propriétaire effleurait à peine l’accélérateur que l’arrière de la voiture commençait à trembler sur ses roues arrière, un peu comme une chienne en chaleur. Désolé pour l’image, je n’en ai pas une plus soft pour bien faire imaginer la scène ! Puis les dalles de moquette sous les roues arrière sont parties telles des fusées au-dessus de ma tête alors que le véhicule s’élançait silencieusement ! La montée en accélération se fait de façon saccadée, mais une fois un palier atteint, la Dauphine évolue alors très régulièrement.
Récupération de caisses de Dauphine
Je ne vais pas refaire ici tout l’historique des tentatives de séduction des Américains par le Losange. Dans les années 1950, Renault a cherché à s’implanter aux Etats-Unis, souhaitant surfer sur le succès rencontré par Volkswagen avec sa Coccinelle. Bien que loin d’être ridicule, l’essai n’a pas été suffisamment bien transformé outre-Atlantique selon le constructeur qui passe momentanément l’éponge. Des Dauphine neuves croupissent alors à tous les vents sur le sol américain et sont bradées. Une aubaine pour B.-L. England et Russel Feldman, respectivement à la tête de National Union Electric et Eureka Williams : ils cherchent à développer à moindre frais une voiture minimaliste électrique.
36, 72 et 84 V
La diffusion plutôt confidentielle des Dauphine Henney Kilowatt n’aide pas vraiment à retrouver des données fiables et précises concernant le nombre d’exemplaires construits, l’autonomie et la vitesse de pointe. Sans doute pas plus de 50 unités diffusées en tout, dont une trentaine sous le millésime 1959, et 8 pour 1960. Comme celle mise en vente aux enchères le mois prochain, la plupart des Dauphine Henney Kilowatt ont été vendues et exploitées par quelques-unes des nombreuses compagnies d’électricité qui se développaient sur le territoire américain, histoire d’en tirer des bénéfices en termes d’images sur leur activité. Equipés d’un moteur General Electric, les premiers exemplaires de cette voiture branchée recevaient 18 batteries plomb de 2 V montées en série et réparties entre le coffre, à l’avant, et l’habituelle unité moteur, à l’arrière. Jugée inutilisable en l’état, leur architecture fut revue pour accueillir 12 accumulateurs de 6 V. De quoi approcher les 80 kilomètres d’autonomie pour une vitesse de croisière d’environ 60 km/h. Pour 2 batteries supplémentaires, les Dauphine HK passe de 72 à 84 V, avec un rayon d’action augmenté de 10 kilomètres. Fin de l’aventure en 1962 : la citadine branchée ne parvenant pas à séduire au prix d’une Cadillac Eldorado ! Yardney Electric Corporation, en 1964, Battery Power en 1966, Bell, Electricar, Feel Good : autant de noms pour de nouvelles tentatives de transformations électriques à l’unité ou en très petites séries de la Dauphine du Losange.
Support de communication
L’exemplaire de Henney Kilowatt mis aux enchères par la Maison Osenat le 1er mai prochain ne sera pas donné, comme on l’imagine bien en se référant à l’évaluation indiquée sur la page dédiée du catalogue de la vente. Cette voiture pourrait pourtant bien trouver acquéreur en France, notamment auprès d’un professionnel en rapport avec la mobilité électrique qui pourrait en faire une sorte de mascotte de son activité ! Une dépense trop importante !? Non, un véritable investissement pour celui qui le peut !
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