Rapports
Si l’on ne peut plus se tenir informé aujourd’hui sans recevoir régulièrement des messages faisant état de la nocivité du diesel sur la santé et l’environnement, la première mise en garde sérieuse en France remonte à 1983 et au rapport Roussel. Sa conclusion : « réduire au maximum les émissions de particules du fait des risques cancérogènes ». A sa suite, de nombreux documents tout aussi alarmants ont été produits… et rapidement oubliés. Désormais, la plupart des travaux se déclinent et surenchérissent sur un rapport de l’Organisation mondiale de la santé, daté en 2012. Ses auteurs estimaient alors à 42.000 le nombre de décès prématurés en France causés par l’utilisation du gazole.
Le vent tourne
Il aura fallu de nombreuses années pour que le diesel commence à s’effacer doucement devant les autres motorisations. Les automobilistes sentent bien le vent fiscal tourner. Beaucoup s’inquiètent maintenant de la qualité de l’air, pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs enfants. Ils comprennent que même les meilleures systèmes de filtration et dépollution ne peuvent supprimer totalement les particules. La réduction de ces dernières en taille, obtenue des progrès technologiques, ne les rend pas moins responsables des maladies respiratoires et neurodégénératives.
Une évolution sur 40 ans
Pourtant, le diesel fait encore de la résistance sous le capot de nos voitures particulières. Pourquoi ? Cette question n’aurait jamais pu être posée il y a quarante ans. A l’époque, on ne trouvait presque pas de modèles aux dimensions modestes alimentés au gazole. Quelques exemplaires de Peugeot 204 ainsi équipés ont été écoulés. Pour autant, alors que les taxis accumulaient sans problèmes les centaines de milliers de kilomètres sur Mercedes 300 D ou Peugeot 504 à moteur Indenor, la petite berline de Sochaux se montrait fragile entre les mains des petits rouleurs qui n’attendaient pas la montée en température du bloc avant de le faire rugir. Au bout de 60.000 kilomètres de ce traitement, il fallait réparer les dégâts mécaniques. Le gazole était donc quasiment réservé aux professionnels de la route.
La raison d’une exception française
C’est une dizaine d’années après que le diesel est devenu une exception culturelle française. Même si les raisons de son émergence étaient déjà à l’œuvre bien plus tôt. Le nucléaire qui laisse disponibles de grandes quantités de gazole, Peugeot puis Citroën qui se lancent dans le diesel pour dépasser la crise qu’ils traversent : et voilà pourquoi l’Etat devient promoteur du carburant des routiers. Il lui aura suffi d’agir sur son curseur fiscal. Combien de temps et d’astuces pour faire accepter à la majorité des automobilistes de faire le plein avec un liquide poisseux qui tâchent et sent mauvais ? Juste quelques années où l’on passera par l’aromatisation à la fraise, avant de se fixer sur la mise à disposition gratuite en stations-service de gants à usage unique et d’installer des systèmes anti-retour sur les réservoirs.
Blocage numéro 1 : le confort d’utilisation
La Peugeot 205 sort en février 1983. Les versions diesel suivent rapidement en septembre. La compacte au gazole s’impose dans les auto-écoles. Le grand public découvre des motorisations souples et moins bruyantes qu’auparavant. Elles sont parfois même agréables à l’oreille pour certains, surtout lorsque Nissan et Volvo proposent des blocs à 6 cylindres sur leurs respectives Cedric et série 240. La grande qualité de la technologie diesel, c’est un confort de conduite incomparable pour ceux qui apprennent à conduire, écoutent de la musique à bon volume, ou souffrent de problèmes pour entendre. Par rapport aux modèles à essence, ceux alimentés au gazole acceptent plus facilement et sans caler, ou presque, les imperfections de dosage sur l’accélérateur. Ainsi en repartant d’un stop, par exemple. Cet atout-là, aucun rapport officiel ne pourra l’effacer au profit d’une autre motorisation thermique. Mais ce que beaucoup d’automobilistes ignorent encore, c’est qu’un véhicule électrique fait encore mieux à ce sujet.
Blocage numéro 2 : l’économie au quotidien
Par ailleurs, l’avantage économique à carburer au gazole plutôt qu’à l’essence n’est souvent reproduit que partiellement dans les études. Il n’y a pas qu’une différence de fiscalité, et donc de prix au litre à la pompe. Il y a aussi une consommation plus faible à l’usage. Entre 2 modèles équivalents, la version diesel se montre plus sobre, et le plus souvent de un à trois litres. Bien sûr, l’effort à l’achat est plus important et peut ne pas être rentabilisé sur la durée de possession du véhicule. Ce que bien des d’enquêtes ne prennent pas en compte, c’est qu’un effort ponctuel est acceptable pour beaucoup dès lors qu’il se traduit ensuite par un budget mensuel allégé concernant la consommation. Ce scénario est de l’ordre de l’investissement qui assure ensuite un quotidien plus léger. C’est aussi celui qui est le plus souvent imaginé par les automobilistes qui font la démarche de s’équiper d’une voiture électrique.
Inertie
Confort d’utilisation mécanique, et économies à la semaine : voilà quels sont les avantages sur l’essence du gazole. Ils alimentent une certaine inertie à évoluer vers d’autres types de motorisations. S’y ajoute le fait qu’on ne change pas en général de véhicule tous les 6 mois. Sa revente ne rimera même pas, dans bien des cas, avec sa disparition de la circulation, surtout s’il est encore récent.
La mairie de Paris ouvre une voie
Tout cela explique pourquoi les décisions qui privilégient la prise de conscience des méfaits du gazole sur la santé et l’environnement sont importantes. Le meilleur exemple à ce sujet, actuellement, est le combat que mène Anne Hidalgo à la tête de la mairie de Paris. Celle qui veut la fin du diesel sur son territoire à horizon 2020 ouvre une voie en France. En prenant ainsi le problème, elle appelle chacun à se poser les bonnes questions en matière de mobilité. Celle des modes de déplacements à privilégier, et celle de leur impact sur la santé et l’environnement.
Un sujet de choix pour les Assises IRVE
Il y a peu, pourtant, ce discours coinçait encore dans la gorge de nombreux élus, de peur sans doute d’être sanctionné par l’opinion publique. C’est l’impression ressentie, entre autres, par Isabelle Rivière, fondatrice des Assises IRVE et présidente de l’Avem : « Qualité de l’air et santé publique étaient en février 2014 les fondamentaux des 3es Assises IRVE. Pourtant, aucun responsable politique français n’avait voulu s’exprimer ou s’engager sur ce sujet… Silence radio aux ministères de la Santé, de l’Ecologie et de l’Industrie. Heureusement que nous avions l’Europe dont l’Irlande et la Commission européenne pour venir témoigner de leurs engagements concrets ». Espérons que l’édition 2015 de cette manifestation sera plus favorable à une France qui ose !
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