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Voiture électrique : Zéro pollution et particules, selon Ségolène Royal Rédigé par Philippe Schwoerer le 05 Nov 2015 à 00:00 0 commentaires

Lundi 2 novembre 2015, Antoine Krempf cherchait à piéger Ségolène Royal, en son absence, sur France Info. Il s’agissait de dire si oui ou non la voiture électrique est « zéro pollution, zéro particules », comme le prétend la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. Sauf qu’avant de prendre le micro ou la plume pour disserter sur le sujet, il faut chercher à comprendre ce qu’elle a voulu dire. Mais il convient aussi de bien interpréter l’analyse du cycle de vie (ACV) des véhicules électriques et thermiques publiée par l’Ademe fin 2013 et qui fait toujours autorité.

La substance du message

Quand un politique s’exprime sur un sujet, il en connaît avant tout les grandes lignes et n’en maîtrise pas toujours toutes les subtilités. On se souviendra du fameux stationnement gratuit annoncé par Anne Hidalgo, maire de Paris, « pour les voitures hybrides ». Il fallait comprendre « hybrides rechargeables », ce que l’Avem avait aussitôt corrigé dans son article d’actualité. Concernant la déclaration de Ségolène Royal : à quoi la ministre tente-t-elle de remédier ? Au problème de la pollution et des particules émises par les véhicules individuels dans les villes. Son « zéro pollution, zéro particules » est donc à prendre dans ce strict cadre, en opposant motorisations électrique et thermique. Alors, oui, les propos de Ségolène Royal sont justes : Pour leur propulsion dans les villes, les modèles électriques n’émettent, localement, ni pollution, ni particules.

Et les pièces d’usure ?

Parler des pièces d’usure est donc hors sujet par rapport à la citation de Ségolène Royal. Mais rien n’empêche pour autant de se poser la question. Sans entretien, les moteurs brushless qui équipent les voitures électriques sont conçus pour durer bien plus que la vie de l’engin. En revanche, tout comme les modèles thermiques, les branchés disposent de pneumatiques et de systèmes de frein. Un conducteur prudent usera moins ces garnitures que s’il roulait avec une voiture diesel ou à essence, grâce au freinage régénératif. Sauf à vouloir exhiber à tous les feux rouges la puissance et le couple disponibles dès le départ. Mais globalement, la voiture électrique n’émet pas plus de particules que son homologue thermique via ses freins et pneus. On sait même, qu’en la matière, le métro parisien est le plus mal placé du fait des nombreux démarrages et arrêts musclés. Invoquer les émissions de particules à l’utilisation pour discréditer le VE est quasiment aussi ridicule que de dénoncer l’impact environnemental du cyclisme ou de la marche pour exactement les mêmes raisons.

L’impact à la fabrication

Là aussi, par rapport au strict cadre dans lequel doivent s’entendre les propos de Ségolène Royal, évoquer l’impact sur l’environnement de la fabrication des voitures électriques est hors sujet. En tout cas s’il s’agit de la piéger pour déclaration erronée. D’autant plus que la ministre s’est limitée aux particules et à la pollution de l’air, ce qui exclut implicitement le problème particulier du CO2, moins local. Pour autant, rien n’interdit d’en parler dans un contexte plus global. Dans l’analyse de l’Ademe sur le cycle de vie des véhicules, conviée dans son article par Antoine Krempf, il est indiqué que la fabrication des composants, hors batterie, représente respectivement 34 et 15% des émissions de CO2 après 150.000 kilomètres effectués en France par une voiture électrique et son équivalent thermique. Sauf que ces pourcentages s’appliquent à des volumes différents : 9 contre 22 tonnes. Ce qui donne, au final, une part de 3 tonnes de CO2 pour la voiture électrique, à opposer aux 3,3 tonnes pour le modèle thermique en rapport. Avantage au VE, tant que l’on n’ajoute pas l’impact de la batterie, qui s’élève alors, dans les mêmes conditions, à 3,15 tonnes (35% du total). En cause, la technologie lithium NMC (nickel manganèse cobalt). Présent lors des Assises IRVE 2014, Maxime Pasquier, en charge pour l’Ademe des thématiques Véhicules électriques et hybrides, Infrastructures de recharge, Electromobilité, modérait d’ailleurs le chiffre d’environ 40% avec du lithium LFP (lithium fer phosphate).

Un impact qui tend à se réduire encore

Augmenter l’autonomie des véhicules électriques devrait passer par l’emploi de supercondensateurs, en soutien ou remplacement des batteries au lithium. Leur impact sur l’environnement à la fabrication sera encore tout différent, et très vraisemblablement bien moindre. Par ailleurs, si les constructeurs poussent au mieux la logique du développement durable pour positionner convenablement la voiture branchée, on peut agir plus globalement. C’est ce que fait BMW, par exemple, avec sa citadine survoltée. Au lancement de la chaîne de la i3, en septembre 2013, nous apprenions qu’il fallait 50% d’énergie et 70% d’eau en moins pour la produire que son équivalent thermique. Le recours aux matériaux recyclés et la disparition du processus classique de peinture des carrosseries, très énergivore, expliquent en grande partie ces excellents résultats. Mieux, l’électricité utilisée dans l’usine de Leipzig provient des éoliennes situées dans son enceinte, évitant de relâcher d’importants volumes de CO2.

La vie des batteries

Parler de l’impact sur l’environnement de la fabrication des batteries de traction en l’imputant à la seule voiture électrique n’est pas correct. Ces accumulateurs sont promis à une seconde vie en France pour stabiliser l’usage des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Mieux, encore montées sur les VE, elles pourront soutenir le réseau de distribution au sein d’une architecture de type smart grid. Ce sont alors des volumes importants de sources fossiles qui seront épargnés, particulièrement lourds de conséquences sur l’environnement. A ce jeu, l’impact de la fabrication des batteries de traction au lithium sera à diviser par 2 ou 3 pour leur usage au service de la mobilité.

Rien de nouveau via la lorgnette de France Info

Le débat autour de l’impact de la voiture électrique sur l’environnement n’est pas nouveau, et revient cycliquement sur le devant de la scène avec les mêmes inexactitudes. L’Avem avait interrogé fin 2013 à ce sujet Maxime Pasquier, alors que le document sur l’analyse du cycle de vie des véhicules électriques et thermiques venait d’être publié. En substance, et c’est bien là l’essentiel, l’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie estime la contribution climatique globale du VE à 9 tonnes de CO2 sur l’ensemble de sa durée de vie contre 22 pour son équivalent thermique. « Des résultats très encourageants compte tenu de la jeunesse du développement de cette technologie », avait souligné l’ingénieur qui avait à l’esprit « des améliorations pour les années à venir ».

50.000 km ?

Selon le travail réalisé par l’Ademe autour du cycle de vie des véhicules, en se basant sur la composition du mix énergétique français, il faudrait rouler environ 50.000 kilomètres avec un VE avant de compenser ses émissions supplémentaires d’équivalent CO2 à la fabrication. Un chiffre à revoir largement à la baisse, si l’on tient compte de la seconde vie des batteries. Il est malheureux que l’article publié par France Info détourne la conclusion de l’Ademe, que Maxime Pasquier avait ainsi résumée pour l’Avem : « Quel que soit le mix énergétique des pays Européens étudiés, l’étude démontre qu’en fin de vie, le bilan environnemental du véhicule électrique restera toujours plus favorable que le thermique ». L’ingénieur déplorait déjà une mauvaise reprise, par la plupart des médias, du contenu du rapport. Presque 2 ans après, on ne peut que constater que ce n’est pas fini ! Pourtant, au final, le document donne entièrement raison à Ségolène Royal sur le rôle local vertueux de la voiture branchée.

Pour aller plus loin

Lire ou relire l’entretien accordé par Maxime Pasquier à l’Avem
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