Dans son édition d’hier, Mardi 15 novembre 2016, le quotidien Ouest-France indique que le département américain des transports a décidé que les « voitures silencieuses », plus précisément les modèles électriques et hybrides, rechargeables ou non, devront émettre, à partir de septembre 2019, un signal sonore jusqu’à une vitesse de 30 km/h afin de signaler leur arrivée. Une mesure qui serait censé « permettre d’éviter 2.400 blessures de piétons par an en 2020 ».
Prévenir de l’arrivée d’un véhicule
Chercher à prévenir les piétons d’un danger à l’arrivée d’une voiture n’est pas une nouveauté. Outre-Manche, un décret de 1839 imposait que les véhicules automobiles soient précédés d’un homme à pied agitant un drapeau rouge. Aux Etats-Unis, ce n’est pas la première fois que le département des transports se prononce sur la question. Déjà, en 2010, l’organisme indiquait dans une étude que « les voitures sont devenues dangereusement silencieuses » au point que « c’est une grande préoccupation pour tous les piétons à travers le monde et en particulier pour les aveugles ».
Parole de non-voyant
En soi, ajouter un avertisseur sonore aux véhicules électrifiés sur les plages de fonctionnement où le bruit des pneus et de l’air n’est pas suffisant pour prévenir de leur arrivée n’est pas inutile ni une hérésie. Dans une interview qu’il m’avait accordée en 2014 pour un autre média Web désormais inactif, Mokrane Boussaïd, directeur exécutif de l’Union européenne des Aveugles témoignait : « Parce qu’ils sont silencieux ou presque, notamment en-deçà d’un certain seuil de vitesse, il est quasiment impossible pour les personnes atteintes de cécité ou de déficience visuelle grave de les détecter, d’apprécier leur distance ou leur direction assez tôt pour éviter l’accident. Nous utilisons l’ouïe dans une large mesure pour compenser l’absence de vision totale ou partielle, et l’absence d’indications sonores nous prive des repères indispensables à l’anticipation de nos déplacements ». Ce témoin voyait par ailleurs dans la voiture électrique, déjà, un moyen de retrouver de l’indépendance lorsqu’elle est associée à un dispositif de fonctionnement autonome.
Juste les véhicules électrifiés ?
Véhicules thermiques particulièrement silencieux, cars à moteur arrière, vélos, etc. : la liste des engins qui peuvent représenter un danger du fait de l’absence de bruit ne s’arrête pas aux seuls VE. Les membres de l’UEA en sont d’ailleurs persuadés, qui communiquent bien sur un problème constitué par tous les véhicules silencieux, et non uniquement les modèles électrifiés. Pour autant, au final, ce sont bien seulement ces derniers qui sont pointés du doigt par la plupart des médias lorsqu’il s’agit de parler du fameux bruiteur. Dans son étude datée de 2010, à l’heure où la nouvelle génération des voitures électriques émergeait à peine, le département américain des transports évaluait que les voitures hybrides étaient la cause de 2 fois plus d’accidents que les autres.
Une qualité ou un défaut ?
Si les partisans, que nous sommes, des véhicules électriques, sont un brin chatouilleux au sujet de leur silence de fonctionnement, en particulier à petite vitesse, c’est pour 2 raisons principales. La première est que pendant nombre d’années, ce point a servi d’argument aux détracteurs des VE pour justifier que ces engins arrêtent de se développer. Et pourtant, si aujourd’hui il n’y avait pas de voitures sur nos routes, et qu’on devait se prononcer pour une technologie en toute connaissance de l’impact de chacune sur l’environnement, la santé, la politique internationale et la stabilité mondiale, jamais les voitures thermiques seraient privilégiées. Deuxième raison d’être prudents : le mécanisme qui cherche à transformer une qualité en défaut à bannir. Si le silence d’évolution de certains véhicules dans les rues et sur les parkings est à prendre en compte, il ne faudrait pas oublier que le bruit de la circulation est néfaste pour la santé et une certaine qualité de vie. On ne compte plus les études à ce sujet qui certifie que cette nuisance de fond est génératrice de stress, source d’accidents et accentue les risques de maladies cardiovasculaires.
Sur le terrain
La plupart des constructeurs de véhicules électriques n’ont pas attendu qu’on les y oblige pour installer des avertisseurs sonores avec des bruits parfois très folkloriques, depuis le chant des cigales jusqu’au déplacement d’un ovni. Résultat : peu de piétons associent ces manifestations à l’arrivée d’une voiture, voire même s’en préoccupent. C’est pourquoi il est nécessaire, si l’on impose d’équiper les véhicules silencieux qu’un bruiteur, d’en faire l’annonce par les voies officielles, avec publicités, afin que chacun des usagers de la route connaisse les nouvelles dispositions, et, surtout, puisse se les approprier.
En Europe aussi
En 2014, le conseil de l’Union européenne a adopté diverses mesures concernant le niveau sonore des véhicules en circulation. Un article impose aux constructeurs, à l’horizon 2019, d’installer un système d’avertissement acoustique du véhicule (AVAS) sur les nouveaux types des modèles électriques et hybrides. Ce dispositif devra satisfaire à un certain nombre d’exigences, qui peuvent encore évoluer. Sauf pour les modèles hybrides lorsque le moteur thermique est en route, les véhicules silencieux devront émettre automatiquement un son depuis le démarrage jusqu’à environ 20 km/h. Aussi bien en marche avant qu’en reculant, exception faite, pour cette seconde situation, pour les modèles qui disposent déjà d’un système sonore dédié à cette manœuvre.
Un son continu
L’AVAS devra pouvoir être coupé et réactivé grâce à un bouton facilement accessible par le conducteur. Au redémarrage du véhicule, le dispositif devra être automatiquement en fonction. Selon le texte, le dispositif émettra un son continu « qui signale aux piétons et autres usagers de la route qu’un véhicule est en fonctionnement ». Répondant à la lettre aux souhaits de l’UEA, le bruiteur devra signaler clairement le comportement de l’engin. Ainsi, par une variation automatique du niveau sonore synchronisée à la vitesse instantanée. Le bruit devra être similaire à celui d’un modèle de la même catégorie équipé d’un moteur thermique, quelles que soient ses conditions de fonctionnement.
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