Qui a cerné la personnalité de Nicolas Hulot, ministre démissionnaire de la Transition énergétique et solidaire, a compris que son départ du gouvernement, annoncé par lui-même sur France Inter mardi 28 août 2018, était inéluctable. Même si on peut créditer son action d’avancées majeures. Le retrait de celui qui roule en voiture électrique avant même d’être nommé par le président de la République changera-t-il quelque chose à la feuille de route prévue pour la mobilité d’ici à 2040 ? Billet.
Pas d’étonnement à Saint-Lunaire
A Saint-Lunaire (35) où il réside, près de Saint-Malo et Dinard, Nicolas Hulot n’a pas surpris les habitants. Là, il est connu et estimé pour sa nature profonde. La nouvelle de sa démission du gouvernement a été accueillie sans véritable surprise, mais avec une parfaite bienveillance. Les Lunairiens savent que c’est un homme réfléchi, qui n’agit et ne se prononce pas à la légère, capable de s’investir là où il se sent pouvoir être utile pour l’avenir de la planète et de l’humanité, mais qui reprendra sa liberté de parole s’il pense que les résultats de ses efforts ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Résidant à moins de 20 kilomètres de là, je vous assure que tout cela est bien palpable.
Témoignages de soutien
Palpable au point que Ouest-France a consacré hier, mercredi 29 août 2018, un petit article à ceux dont je partage le respect : « On le laisse tranquille, on ne va pas l’embêter ». En tout cas lorsqu’on croise Nicolas Hulot simplement dans cette station balnéaire. Pour lui parler, ce n’est pas vraiment compliqué : il suffit d’assister à l’une ou l’autre des conférences qu’il donne de temps en temps par ici. Le maire de la commune, Michel Penhouët, lui a immédiatement envoyé un SMS lorsqu’il a appris la démission de celui qui est pour lui un concitoyen. « Je l’ai félicité pour le travail accompli », témoigne-t-il à un journaliste du quotidien. D’autres habitants de Saint-Lunaire lâchent : « C’est un message pour marquer les esprits sur l’urgence d’agir » ; « Je suis étonné qu’il soit resté si longtemps au gouvernement » ; « C’est normal de partir quand on n’est pas écouté » ; « Les coups bas et l’hypocrisie, ce n’est pas son genre » ; « Honnête, indépendant, fidèle à ses idées » ; « Il aura quand même essayé ».
Le fameux glyphosate
En Bretagne, Nicolas Hulot n’a pourtant pas que des amis. « Ce que je lui reproche, c’est de nous empêcher de brûler nos déchets verts », me lance un agriculture à la retraite qui revient de son jardin où il vient de passer le fameux produit désherbant contenant du glyphosate. Son épouse le contredit aussitôt : « Mais non, il n’y est pour rien, ça fait des dizaines d’années que c’est interdit, bien avant qu’il se lance dans la politique ! ». L’ancien ministre a véritablement fait bouger les choses au niveau européen concernant le glyphosate. Mais pour lui qui recueille bien des témoignages sur le sujet, quelques années encore de tolérance, c’est trop, c’est impensable ! Et personnellement, je le comprends. Coincé de toute part entre des terres agricoles dont un immense verger de pommiers, le tout dans les mains d’exploitants pas toujours très scrupuleux, mon lieu d’habitation a connu il y a quelques mois une épisode inquiétant, lorsque l’un d’eux a eu la main lourde sur les produits phytosanitaires, pensant sans doute qu’ils seraient bientôt interdits. Résultat : 10 jours sans pouvoir ouvrir les fenêtres ni étendre le linge ! Ce type de situations, Nicolas Hulot connaît très bien. C’est pour cela qu’il ne lâche pas l’affaire. Ce dossier n’est pas pour lui un problème de salon !
Véhicules électriques
Jean-Louis Borloo et sa Cleanova II, Ségolène Royal et sa Mia : Nicolas Hulot n’est pas le premier personnage politique à rouler en voiture électrique. Mais c’est sans doute le seul qui a commencé à le faire de façon personnelle, loin des caméras. Depuis quand ? Qui sait ? Dans les premières années du XXIe siècle, il disposait déjà de 2 Renault Kangoo Electri’Cité, dont l’un utilisé pour les besoins de son école pour la nature et l’homme, implantée à Branféré (56) dans le cadre d’un parc animalier et botanique. Si la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique n’avait pas révélé qu’aujourd’hui Nicolas Hulot possède pour ses déplacements privés en Bretagne une BMW i3 et un scooter électrique BMW C Evolution, le saurions-nous ? Pas forcément, car cet homme de conviction ne s’affiche pas avec ces engins pour en faire des supports de communication. « La réalité, c’est que je roule en électrique 95% de mon temps », avait-il dû tout de même lâcher en décembre 2017 pour justifier de posséder 9 véhicules à moteur dont certains ne sont pas utilisés par lui-même, ou très peu.
Utilisateur sans être militant
Nicolas Hulot est donc un grand utilisateur des véhicules électriques, par conviction. Pour autant, il n’a pas profité de son statut pour en faire la promotion, bien conscient que derrière ces engins il y a aussi des problèmes environnementaux et de dignité humaine à régler. Le ministre démissionnaire a-t-il choisi une Bolloré Bluecar ou une Citroën E-Méhari qui aurait encouragé l’industrie de sa région ? Non ! On ne l’imagine pas vraiment copiner avec Vincent Bolloré ! En outre, en pionnier et utilisateur quotidien des véhicules électriques, Nicolas Hulot sait bien qu’il n’y a, au niveau de la sobriété énergétique, pas pire VE que ces modèles à laisser brancher sur le secteur quand on ne les utilise pas. Pourquoi pas la Renault Zoé ? Il faudrait lui poser la question ! La disparition du service volant qui assurait l’entretien de ses anciens Kangoo en serait-il la cause ? La mise en garde adressée en 2017 au Losange par Amnesty international au sujet de l’absence de garantie sur la provenance du cobalt qui entre dans la composition des batteries de traction serait-elle la raison ? A noter que l’ONG a salué positivement l’effort fait par BMW à ce niveau. Ajoutons à cela l’usage de matériaux recyclés pour la fabrication de la BMW i3 dans une usine alimentée par des énergies renouvelables, et l’on trouve très certainement les arguments qui expliquent les choix de Nicolas Hulot pour ses engins électriques.
2040
« Nous annonçons la fin de la vente des voitures à essence et diesel d’ici 2040 », a déclaré Nicolas Hulot il y a 1 an en présentant son plan climat. Son départ du gouvernement remet-il en cause la feuille de route de la France vers une mobilité durable ? Non, bien sûr ! Elle est le résultat de contraintes imposées par l’Europe et de travaux initiés par ses prédécesseurs qu’il a affinés et qui devront être développés avec ses successeurs. Ce qui fera évoluer des solutions plutôt que d’autres, ce seront en particulier les progrès technologiques réalisés au service de l’environnement et de la santé publique dans ce domaine. La mobilité électrique conserve donc toutes ses chances pour un rôle majeur et pérenne… à condition de gommer progressivement les moins qui peuvent encore ternir son image aujourd’hui.
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