Lancé en décembre dernier, le projet franco-allemand de création d’un « Airbus des batteries » a sans doute franchi une étape décisive jeudi à Paris. En présence du Commissaire européen à l’énergie Maros Sefcovic, Bruno Le Maire et Peter Altmaier, les ministres de l’Economie français et allemand ont annoncé la constitution d’un premier consortium qui aura pour chef de file le fabricant français de batteries Saft (filiale de Total) et le groupe PSA avec sa branche allemande Opel. Un consortium qui pourrait regrouper plus d’une trentaine d’entreprises qui ont manifesté leur intérêt pour ce projet. Franco-allemand au départ, ce projet qui ambitionne de couvrir l’intégralité de la filière : de l’extraction des minerais jusqu’au recyclage en passant par la production des batteries et leur intégration dans les voitures, est désormais clairement européen et bénéficie du soutien actif de la Commission européenne. Un projet que d’ailleurs plusieurs pays comme l’Italie, la Belgique, la Pologne, l’Autriche ou la Finlande devraient prochainement rejoindre.
Le feu vert de la Commission européenne
A Paris, Maros Sefcovic a confirmé que la Commission européenne reconnaissait l’intérêt stratégique pour l’Europe de ce projet et qu’elle autorisait donc les Etats membres à pouvoir verser des aides publiques sans contrevenir aux règles européennes sur les aides d’Etat et la concurrence. Le Commissaire européen souhaite jouer un rôle de facilitateur et d’accélérateur du projet. Il s’est par ailleurs dit confiant que ce premier projet fasse des émules et que d’autres consortiums européens voient le jour rapidement. Pour le premier projet sur lequel la Commission devrait formellement se prononcer avant la fin de son mandat au mois d’octobre, le montant maximum autorisé des subventions publiques a été fixé à 1,2 Milliards d’euros. Les différents pays auront par ailleurs la possibilité de subventionner d’autres projets. De son côté, la France a déjà prévu de consacrer 700 millions d’euros sur cinq ans à des projets liés à la production de batteries tandis que l’Allemagne a indiqué vouloir investir un milliard d’euros dans ce domaine.
5 à 6 milliards d’investissement pour commencer
Au-delà des aides publiques, le financement du projet sera assuré par les industriels participant à l’opération. Peter Altmaier a d’ailleurs insisté sur le fait que les consortiums n’étaient pas constitués par les Etats ou par la Commission européenne, mais par les industriels et les constructeurs automobiles. Le budget initial pour construire les premières lignes de production est estimé à un montant compris entre cinq à six milliards d’euros dont plus de 4 milliards seront donc apportés par les industriels du secteur. Pour Bruno Le Maire, si d’autres projets venaient à voir le jour comme il l’appelle de ses vœux, ce seraient des montants considérablement plus importants qui pourraient être en jeu. Chaque Etat apportera son aide aux développements qui se feront sur son territoire et il souhaite que les pays qui hésitent encore à intégrer la filière européenne de production de batteries s’engagent dans les meilleurs délais possibles car les constructeurs automobiles ont besoin que les délais soient respectés et qu’on leur apporte des garanties en termes d’approvisionnement de ces batteries.
Une première usine en France
Les ministres français et allemand de l’Economie entendent aller vite et dès 2020, le projet devrait avoir une première réalisation concrète avec la construction d’une usine pilote en France générant près de 200 emplois. A l’horizon 2022-2023, deux usines de production seraient ensuite construites, l’une en France et l’autre en Allemagne, avec pour chacune d’entre elles la perspective de création de 1 500 emplois. Ces sites produiront des batteries liquides « améliorées », c’est-à-dire plus performantes, tout en continuant à fonctionner avec la technologie actuelle. La quatrième génération de batteries, dites solides, ne devrait arriver que vers 2025-2026. L’Europe mise sur cette nouvelle génération de batteries pour rattraper son retard technologique et industriel sur un marché dominé largement aujourd’hui par l’Asie et plus particulièrement par la Chine. Une étude récente sur le futur de la mobilité et l’attractivité de la France montre que d’ici 2030, le marché mondial des batteries pour véhicules électriques devrait atteindre les 45 milliards d’euros. A condition que la filière mise en place soit compétitive, l’Europe espère pouvoir en récupérer entre 20 à 30%, contre seulement 3% aujourd’hui.
Un enjeu de souveraineté
Outre son intérêt économique, la présence de l’Europe dans le domaine des batteries est avant tout un enjeu de souveraineté. Pour Bruno Le Maire, constituer cet « Airbus des batteries » démontre que l’Europe n’est pas condamnée à dépendre des importations technologiques venues des deux grandes puissances que sont les Etats-Unis et la Chine. Son objectif est clair : créer une filière de haut niveau technologique intégrant l’ensemble de la chaîne de valeur, sans oublier le recyclage qui pourrait devenir le caractère de différentiation de la filière européenne par rapport à d’autres filières mondiales. Si le pari technologique est encore loin d’être gagné, il répond à une réelle demande des constructeurs européens, soucieux de ne pas dépendre uniquement des fournisseurs de batteries chinois ou sud-coréens. Pour le ministre de l’Economie, le soutien stratégique apporté par la Commission européenne constitue une étape décisive dans la réalisation de ce projet de production de batteries pour véhicules électriques. Il donne aussi l’exemple de ce que l’Europe peut faire quand elle est unie. Pour lui, cet « Airbus des batteries » dépasse largement son cadre industriel, mais marque la détermination du continent européen à construire sa souveraineté technologique, économique et industrielle.
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