Chaque année, à l’approche de l’hiver, les médias généralistes ressortent dans leurs colonnes les risques de coupures d’alimentation du réseau national électrique. Si ces alertes pouvaient apparaître exagérées jusque-là, la saison à cheval sur 2022-2023 qui arrive ne nous laisse pas très sereins.
Gestionnaire du réseau électrique, RTE imagine même couper les bornes de recharge installées dans l’espace public et dans les entreprises du secteur tertiaire. Que faut-il en penser ? Billet.
Depuis environ un an, les marchés de l’énergie connaissent des tensions dont l’origine est à rechercher du côté de la Russie. Si le gaz naturel est au cœur de ces problèmes, les répercussions concernent également les autres sources, dont l’électricité.
Dans un contexte de politique de transition qui vise déjà à sortir du pétrole et du charbon, puis du nucléaire en France au rythme du vieillissement des centrales en service depuis plusieurs dizaines d’années, les programmes nationaux et de l’Europe sont mis à mal. Outre l’impact sur le dérèglement climatique, le tout récent sabotage des 2 gazoducs Nord Stream montre la vulnérabilité des infrastructures de transport de l’énergie.
La guerre peut aussi prendre cette forme contre laquelle, au nom de la mondialisation et d’une paix entre les peuples qui ne tient plus qu’à un fil, les pays occidentaux ne sont pas vraiment préparés. Comment surveiller des milliers de kilomètres de lignes et de tuyaux ? Quels efforts ces perforations criminelles en mer ont-elles ruinés ?
Lors de l’inauguration de l’électrolyseur offshore Sealhyfe, jeudi 22 septembre dernier, Matthieu Guesné, fondateur de l’entreprise Lhyfe qui produit de l’hydrogène vert, n’a pas mâché ses mots : « On s’en fiche de la valeur des maisons secondaires à côté des éoliennes. On en a besoin, sinon ce sera la guerre, sinon ce seront des problèmes importants d’énergies ».
Quand les oppositions aux projets touchant aux installations pour la production d’énergies vertes ont un sens véritable pour le bien commun, elles sont justifiées, bien sûr. Mais dès lors qu’il s’agit d’abord de préserver un confort personnel qui ne serait pourtant pas lourdement hypothéqué, le pays tout entier se retrouve entraîné dans une situation qui nous échappe désormais.
Avec des difficultés majeures d’approvisionnement en énergie, et des conflits susceptibles d’anéantir des populations et de réduire les chances d’échapper au pire avec le dérèglement climatique, ce confort personnel ne sera-t-il pas davantage encore mis à mal ?
Pour exemple, le kilogramme de GNV d’origine fossile a déjà été vu à 4 euros dans certaines stations le mois dernier, quand le même produit issu de la méthanisation locale pouvait être observé à 1,06 (au 22 septembre 2022, station multi-énergies vertes de La Roche-sur-Yon).
Les opposants aux méthaniseurs, éoliennes terrestres ou en mer, et autres installations pour la production d’énergies vertes sont-ils prêts à payer, par exemple, 4 fois plus cher leur chauffage ou l’alimentation électrique de leur maison ?
Avec un accueil de toute la population consciemment plus ouvert aux sources renouvelables, la situation de la France serait beaucoup moins critique aujourd’hui. Nous payons désormais cette frilosité de manière assez violente. Il faudra sans doute des années avant de pouvoir sortir de cette apparente impasse qui risque de toucher de façon encore plus compliquée certains électromobilistes.
RTE a bien raison d’imaginer les scénarios du pire concernant l’approvisionnement en électricité cet hiver. Si la saison devait être particulièrement rigoureuse, avec le moindre écroulement dû par exemple à des sabotages qui pourraient bien tenter des personnes à l’esprit aussi fragile que les incendiaires de l’été dernier, les jours Ecowatt rouges imaginés par l’opérateur pourraient bien survenir.
Différents leviers pourraient alors être activés. « Si 100 000 véhicules électriques basculaient d’une charge naturelle à une charge en heures creuses pour tirer pleinement partie d’une option ‘heures pleines/heures creuses’, cela réduirait l’appel de puissance moyen de près de 0,1 GW entre 18 h et 20 h », estime RTE.
Si des coupures d’alimentation devaient être volontairement réalisées sur les bornes de recharge disponibles dans le tertiaire et l’espace public, de 8 à 13 heures et de 18 à 20 heures comme le préconise le gestionnaire du réseau national, les SBF (sans borne fixe) seraient à nouveau les plus touchés par la mesure.
Les électromobilistes disposant d’une maison avec un garage ou d’une place privative avec prise ou borne en copropriété résidentielle ne seraient pas concernés par les restrictions de recharge. En revanche, ceux qui n’ont pas cette possibilité, mais ont tout de même fait le choix courageux de la mobilité électrique, connaîtraient potentiellement plusieurs difficultés supplémentaires.
La première est un risque d’affluence aux bornes rendant impossible pour certains automobilistes branchés, de façon plus ou moins récurrente, la recharge. Si ce scénario se limitait à quelques jours, ça passerait plutôt bien. Si en revanche il devait durer plusieurs semaines, ce serait différent.
Les incivilités sont déjà parfois nombreuses aux bornes de recharge ici ou là. Ce phénomène pourrait bien gagner en terrain et en intensité. Ce qui pourrait se traduire par un retour durable en arrière d’automobilistes vers des modèles essence et diesel. Autre problème : la crainte de laisser en recharge la nuit sa voiture électrique dans des zones à risque de dégradation ou de vol.
Plutôt que de couper l’alimentation de ces bornes, et avec la certitude que cette mesure ne nuirait pas à la stabilité du réseau, ne vaudrait-il mieux pas appliquer un tarif dissuasif sur les tranches horaires à éviter.
Ce qui aurait pour mérite d’éliminer massivement l’usage des stations concernées de façon naturelle et de les laisser disponibles à ceux, minoritaires, qui n’auraient pas vraiment d’autres possibilités que de brancher leur voiture électrique à ce moment-là. Au final, cette possibilité devrait avoir à peu près les mêmes effets que le scénario avancé par RTE.
Dans des cas extrêmes, on peut imaginer des situations quasi invraisemblables, mais surtout contreproductives. Par exemple des électromobilistes se sentant coincés et qui passeraient un câble par une fenêtre de leur logement. Restant entrouverte, elle provoquerait une surconsommation de chauffage.
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