Vinci Autoroutes va piloter un consortium afin d’expérimenter deux solutions sur autoroute, à la fois proches et différentes, pour recharger des poids lourds électriques en roulant : par induction et par rail conductif. S’étalant sur 3 ans, le projet démarrera en septembre 2023.
Comme l’a décidé l’Union européenne, l’avenir de la voiture particulière et de l’utilitaire léger électriques passe principalement par l’électrique à batterie. Pour les poids lourds, c’est plus compliqué. Obtenir des autonomies frisant le millier de kilomètres avec des camions tractant une semi-remorque lourdement chargée imposerait d’embarquer des packs lithium-ion affichant des capacités énergétiques de plusieurs centaines de kilowattheures et pesant plusieurs tonnes.
Et ce, en alignant les points négatifs : moins de place pour le fret, capacité d’emport réduite, temps de recharge relativement importants même si l’on peut imaginer des scénarios qui coïncident avec les arrêts imposés pour le repos du conducteur, etc.
C’est pourquoi des constructeurs de poids lourds et différents acteurs du transport continuent à travailler sur d’autres carburants alternatifs. Ainsi avec les biocarburants liquides ou de synthèse, le bioGNC, et l’hydrogène qui a la particularité de pouvoir être employé aussi bien sur des moteurs thermiques que dans des architectures électriques à pile à combustible.
L’électrique à batterie, ce n’est pourtant pas une idée absurde pour acheminer de lourdes marchandises sur de longues distances par camion. Il faudrait juste pouvoir recharger tout en roulant, ce qui permettrait de réduire de beaucoup la taille des batteries et éliminerait les temps d’arrêt importants pour les régénérer devant des chargeurs d’une puissance de l’ordre du mégawatt.
Dans le communiqué de presse daté du 12 juillet 2023 et commun aux acteurs du projet lauréat de l’AAP de BPI France, il est précisé que pour chaque camion pouvant être rechargé en roulant, la capacité énergétique qui ne serait plus nécessaire représenterait de 10 à 17 batteries de voitures électriques.
Recharger des poids lourds dynamiquement, l’idée n’est pas nouvelle. Plusieurs solutions ont été imaginées. Il y a une dizaine d’années, par exemple, Siemens a expérimenté un système par pantographe et caténaire à l’image des trains qui circulent sur les lignes électrifiées de la SNCF. A la différence près que, contrairement à une locomotive guidée sur des rails, le camion pouvait changer de voie pour doubler ou sortir de l’autoroute. Le pantographe se repliait alors sur son toit.
Les deux solutions qui vont être testées sur l’autoroute A10 dans quelques mois suite à l’appel à projets de BPI France sur la décarbonation des mobilités s’affranchissent cependant d’une alimentation électrique aérienne. Tout va se passer au niveau de la chaussée. La plus connue des deux est le recours à l’induction. Exactement comme les systèmes qui permettent de régénérer la batterie en statique sur une place de parking sans avoir à brancher de câble, ou comme c’est possible déjà avec un smartphone.
C’est Electreon (anciennement ElectRoad), dont nous avons déjà parlé plusieurs fois sur le site de l’Avem, qui va fournir la dernière génération de son architecture « avec une capacité de transfert de puissance considérablement accrue ». Ici, sans friction, les bobines intégrées à la chaussée passent le courant à une platine placée sous le véhicule. L’entreprise israélienne est déjà embarquée dans des projets similaires en Allemagne, Italie, Norvège, Suède et aux Etats-Unis.
Pour la France, elle a précisé sur son site son rôle. Elle déploiera à la fois une route de recharge sans fil dynamique de deux kilomètres de long et installera une station de recharge stationnaire par induction. Si l’ensemble est conçu pour « tous les types et toutes les classes de véhicule », Electreon fournira un camion de 40 tonnes et un autobus.
Dans l’esprit, le rail conductif de l’entreprise suédoise Elonroad n’est pas très éloigné du mode de fonctionnement de la route électrique d’Electreon. Sauf qu’une sorte de patins, appelés « pickups », sont en contact avec un rail positionné au centre de la chaussée. Pour les amateurs de slot cars, c’est un peu comme un circuit électrique de gamins ou d’adultes passionnés, plutôt les modèles TCR qui permettait de changer de voie.
Le nombre de ces patins constitués d’aluminium, cuivre, acier et caoutchouc détermine la puissance de recharge en roulant : 3 ou 6 pour respectivement 150 et 300 kW. Pour une voiture, la hauteur de ces éléments espacés d’un mètre sous le véhicule n’est que de 2 cm, contre 6 pour un poids lourd.
A noter que si la voie électrifiée mène par exemple jusqu’à un quai logistique, la recharge de la batterie continue a besoin de temps pour monter ou descendre la marchandise. Elonroad va également installer une voie expérimentale sur 2 kilomètres dans le cadre du projet qui embarque aussi Vinci Construction, l’Université Gustave Eiffel et Hutchinson.
L’intérêt de cette architecture ERS (système de route électrique) qui permet de recharger les véhicules tout en roulant a été développé dans un ensemble de trois documents réunis en une étude et publiés sur le site du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Crédité d’une enveloppe de 26 millions d’euros, le projet piloté par Vinci Autoroutes entre dans le cadre du plan France 2030.
Le site pilote se situera sur l’autoroute A10 dans le sens Paris-Province, en amont de la barrière de péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines. D’une durée de trois ans, le programme démarrera en septembre prochain et « se poursuivra avec des essais sur une piste fermée du Cerema à Rouen avant l’installation des systèmes de recharge dynamique sur l’autoroute ».
Une exploitation commerciale est espérée ensuite, en équipant plusieurs tronçons sur de plus longues distances. Ces systèmes pourraient même quitter les autoroutes pour s’installer sur d’autres axes très fréquentés par les poids lourds. L’étude suggère un plan de déploiement de ces systèmes sur près de 5 000 km dès 2030, puis 9 000 km d’ici 2035. Un peu en avance, la Suède a lancé un appel d’offres pour déployer un premier tronçon commercial de 21 km de long sur une autoroute située au centre du pays.
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