Dans le cadre de son partenariat officiel pour la mobilité aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris cette année, Toyota a programmé de mettre à disposition une flotte de 2 650 véhicules électrifiés. Parmi eux, 500 Toyota Mirai. Ce sont ces dernières qui ont décidé 120 scientifiques à signer une lettre ouverte d’opposition adressée au président du Comité international olympique Thomas Bach, avec Anne Hidalgo, maire de Paris, en copie.
Si l’on excepte les mélanges comme par exemple l’ajout de molécules H2 dans le gazole, Il existe deux possibilités principales permettant d’employer l’hydrogène pour la propulsion des véhicules. La première consiste à l’injecter dans un moteur thermique : une solution qui revient fort depuis environ deux ans, jusqu’à la FIA pour l’organisation des futures courses de bolides et à l’ACO pour les 24 Heures du Mans.
La seconde s’appuie sur un groupe motopropulseur électrique où la batterie est reléguée à un rôle secondaire, effacée par une pile à combustible qui permet de produire de l’électricité en combinant de l’hydrogène avec l’oxygène de l’air. C’est sur ce modèle que fonctionnent la Toyota Mirai et les autocars Caetano H2.City Gold qui embarquent une PAC du constructeur nippon dans le cadre d’un partenariat avec la marque portugaise.
Dans leur lettre ouverte, les scientifiques demandent au Comité international olympique « d’exiger que Toyota remplace la Mirai par un véhicule électrique à batterie comme véhicule officiel des Jeux ». Cette démarche est à mettre en perspective avec une volonté de l’organisation de réduire cette année de moitié les émissions de carbone par rapport aux éditions des années 2010.
Les signataires ont développé cinq arguments pour justifier leur demande. Le premier s’appuie sur le Giec connu pour son rôle de lanceur d’alertes au sujet du dérèglement climatique. Le Groupe intergouvernemental d’experts s’est clairement positionné à raison sur l’électrique à batterie comme « moyen le plus efficace de décarboner le transport de passagers ».
Il est aujourd’hui reproché dans la missive que « l’hydrogène utilisé pour alimenter le transport routier n’est pas conforme aux objectifs mondiaux de zéro émission nette » et qu’en faire la promotion « risque, à terme, de détourner l’attention et de retarder les véritables solutions dont nous disposons aujourd’hui ».
Pour les signataires, l’efficacité énergétique de la solution H2 pose des problèmes puisque « les véhicules à pile à combustible alimentés à l’hydrogène vert nécessitent trois fois plus d’électricité renouvelable que les véhicules électriques à batterie équivalents ». D’où des besoins multipliés par autant pour les infrastructures de production (éolien, photovoltaïque, etc.).
Dans un contexte où les énergies renouvelables nécessitent encore de nombreux efforts de développement, il s’agirait de prioriser les solutions énergétiques les plus efficientes : « Chaque véhicule alimenté par de l’hydrogène vert représente un coût d’opportunité raté pour le climat ». Les scientifiques soulignent en outre que ce gaz en origine renouvelable est rare encore, avec une production H2 obtenue à 99 % par des combustibles fossiles, sans captage ni stockage du carbone. Les molécules H2 vertes devraient alors être orientées vers les secteurs qui ne disposent pas ou très difficilement de possibilités de décarboner leurs activités.
En outre, selon les termes de la lettre, employer de l’hydrogène gris dans les véhicules électriques « finirait par générer 30 à 50 % d’émissions de plus que la simple utilisation de combustibles fossiles ».
Dans l’argumentaire ont aussi été mis en avant le coût élevé de l’hydrogène vert en carburant, le déclin des véhicules H2 qui serait amorcé à l’échelle mondiale, le manque d’infrastructures d’avitaillement, des problèmes de fiabilité des véhicules, etc. Une liste que l’on aurait d’ailleurs très bien pu appliquer il y a vingt ans aux voitures électriques à batterie qui connaissaient la fin de leur ère nickel-cadmium.
Cette phrase par exemple « Les essais de voitures et de bus à hydrogène ont échoué à plusieurs reprises dans le monde », on pouvait très bien la trouver au début des années 2000 sous cette forme « Les essais de voitures et de bus électriques ont échoué à plusieurs reprises dans le monde ».
De même pour sa justification « Principalement en raison des coûts plus élevés que ceux des véhicules électriques et du manque d’approvisionnement en hydrogène » qui aurait alors été « Principalement en raison des coûts plus élevés que ceux des véhicules diesel et du manque d’infrastructures de recharge ».
Connue pour son incessant bashing sur les VE à batterie, la marque Toyota qui préfère toujours ses « voitures électriques qu’on ne recharge pas » – c’est-à-dire les hybrides -, n’était sans doute pas la meilleure pour représenter la décarbonation de la mobilité. Pourtant son programme d’information autour de l’hydrogène est loin d’être inintéressant. Ainsi par exemple en employant dix autocars anciennement diesel et rétrofités par GCK.
S’il est vrai que la course contre le dérèglement climatique implique de prioriser les solutions les plus efficaces, on ne peut pas à l’inverse se priver de celles immédiatement disponibles ou près de l’être et capables d’apporter un soutien important à la décarbonation. La missive évoque le risque d’un détournement d’attention et de retarder l’adoption des bonnes méthodes.
Des effets négatifs qui peuvent également naître de cette démarche des 120 signataires à l’encontre d’un nécessaire mix énergétique et de solutions. Nous avons dernièrement vu que des deux-roues pouvaient fonctionner à l’hydrogène avec une petite centrale personnelle composée d’un électrolyseur et d’un panneau solaire. Faudrait-il jeter cette possibilité ? Pas sûr !
Peut-on imaginer faire peser tout en même temps sur le lithium la conversion des avions de ligne, des porte-conteneurs, des voitures, des poids lourds (camions, autocars et autobus) ? Comment les 120 signataires voient-il cela et en combien de temps ? Ont-ils pris en compte que dans certaines situations une solution à l’efficacité divisée par trois reste meilleure que de ne rien faire ? Et l’hydrogène blanc dont on saurait aujourd’hui reproduire le processus de formation ?
La démarche de ces scientifiques a véritablement du sens. Elle manque cependant de nuances et d’un tour d’horizon complet sur toutes les pistes de décarbonation, depuis les petits engins personnels de déplacements jusqu’aux véhicules les plus lourds. N’oublions pas tous les travaux réalisés en France pour obtenir de l’hydrogène vert et l’employer dans la mobilité, dont certains sont dynamisés par les territoires avec des résultats intéressants.
Par soucis d’être représentatif de la mobilité décarbonée aujourd’hui, pourquoi effectivement ne pas réduire la place de l’hydrogène aux JO ? Ce serait d’ailleurs impératif si les véhicules devaient être alimentés avec un gaz d’origine fossile. En conservant toutefois le volet informatif, avec une dizaine de voitures hydrogène et les autocars, dont ceux rétrofités, fonctionnant avec un produit d’origine renouvelable.
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