Depuis quelques jours, les médias généralistes ou spécialisés dans l’automobile se font l’écho des déclarations de Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, selon lesquelles Tesla pourrait implanter une usine sur le site de l’actuelle centrale nucléaire de Fessenheim (68). Une association des genres qui paraît malheureuse, tant nombre de détracteurs des véhicules électriques appuient leurs discours sur le fait qu’en France l’énergie produite pour les faire avancer vient majoritairement de l’atome. Mais aussi parce qu’elle est très éloignée des idéaux affichés par Elon Musk qui, par ailleurs, souhaite maîtriser les annonces concernant ses entreprises.
Depuis 1978
Mise en service tout début 1978, la centrale nucléaire de Fessenheim alimente les craintes et querelles des deux côtés du Rhin. Pour certains, elle n’est plus fiable et il faut la fermer de suite. Pour les autorités, son état permet de la conserver encore quelques années en activité. Un temps annoncée pour 2016, la fermeture de l’établissement frontalier a été repoussée dans une certaine cacophonie ministérielle. Pour autant, nombre d’élus, en France, comme en Allemagne, pensent déjà à l’avenir du site, qui pourrait être imaginé dans un partenariat entre les 2 pays. Ségolène Royal, que l’on sait convaincue des bienfaits de la mobilité électrique, affirme être toujours en relation avec les dirigeants de Tesla, après une première invite : « J’ai un endroit pour vous, Fessenheim ! ». Tout l’espoir de la ministre, et les articles rédigés sur le sujet, s’appuient sur son propre commentaire : « Il n’a pas dit non ! ».
De 50.000 à 500.000
L’objectif de Tesla est de produire à horizon 2020 environ 500.000 véhicules, contre 50.000 actuellement. Le constructeur de Palo Alto chercherait donc à ouvrir de nouvelles usines, dont une en Europe. En s’y prenant dès maintenant, la centrale de Fessenheim pourrait-elle être démantelée suffisamment tôt pour qu’une usine automobile d’envergure soit opérationnelle bien en amont de cette échéance ? Ce n’est pas gagné d’avance ! Mais s’il fallait essayer de réussir ce challenge, c’est bien tout de suite qu’il faudrait lancer le scénario. Le site de Fessenheim, à la frontière avec l’Allemagne, et à moins de 200 kilomètres de la Suisse, offre, il est vrai, une situation particulière et intéressante, notamment grâce au Rhin qui permet d’envisager quelques acheminements par voie fluviale. Mais Elon Musk aura besoin de certitudes, et surtout d’un grand espace véritablement disponible très vite !
Tesla et nucléaire !?
Curieusement, les sites du réseau Sortir du nucléaire et de L’Observatoire du nucléaire n’ont pas encore relayé à leur manière l’information. Est-ce que la situation leur poserait un problème de communication ? D’un côté, le scénario envisagé par la ministre pourrait formaliser plus hâtivement la fermeture de la centrale de Fessenheim ; de l’autre, on introduit sur le territoire une production de masse qui, pour certains, signifie un peu tout de même de faire entrer le loup dans la bergerie. Les détracteurs du véhicule électrique au seul prétexte qu’elle favorise l’industrie nucléaire ne peuvent que souligner un symbole négatif dans l’implantation d’une usine Tesla en lieu et place de l’établissement de plus en plus contesté, qu’ils chercheront très certainement à exploiter. Que doit-on penser, par exemple, du dessin de Chaunu publié dans l’édition du mercredi 6 avril de Ouest-France ? Devant le « Garage Tesla Fessenheim », un agent revêtu d’une combinaison antiradiation, observant ce qui se passe sous le capot, donne son diagnostic à Ségolène Royal sur la panne de la voiture électrique : « Y’a une fuite dans le réacteur central ! ». Et d’un ! Elon Musk, dont on connaît les positions favorables au développement des énergies renouvelables, ne souhaitera pas encourager la polémique. Chez Tesla, on soigne l’image de l’entreprise et de ses productions. Pas question de risquer une critique destructrice inutilement !
Poids sur l’emploi
Selon Ségolène Royal, « une centrale nucléaire comme Fessenheim, c’est 2.000 emplois, c’est 2.000 personnes, c’est 2.000 salariés ». Mais combien de ceux aujourd’hui mobilisés par le site pourront effectivement travailler chez Tesla si le constructeur implantait effectivement son usine sur place ? On n’imagine pas du tout Elon Musk se lancer dans une négociation qui imposerait de reprendre un minimum de personnel vivant aujourd’hui et ici de l’atome.
Une initiative alsacienne
« Depuis deux ans, quelques alsaciens manoeuvrent dans l’ombre pour convaincre le constructeur de la berline électrique d’implanter une usine au carrefour de l’Europe », titrent Les Echos, dans un article mis en ligne le 5 février 2016, et traitant du travail réalisé dans l’ombre pour faire venir Tesla dans l’Est de la France. La nouvelle génération des entrepreneurs, séduit par Elon Musk, exploite « les réseaux sociaux pour approcher le charismatique patron de Tesla dont l’audace fait rêver ».
Une communication qui dérape
Ségolène Royal n’est donc pas à l’origine de l’affaire, qu’elle risque plutôt de compliquer en se prononçant trop formellement et ouvertement dessus. Chez Tesla, on avance d’abord avec discrétion, et on aime ensuite parfaitement maîtriser la communication ! « Des hommes comme Musk n’ont pas besoin de politiciens pour les aider. Je crois même qu’ils les évitent au maximum car ils savent très bien qu’il y a toujours des contreparties », peut-on lire sur le forum MacGénération dans un commentaire signé madaniso et déposé à la suite d’un article sur le sujet. Voilà qui résume parfaitement bien en quoi l’appropriation par Ségolène Royal du travail de persévérance et de fourmis réalisé par quelques entrepreneurs alsaciens est un problème pour les 2 parties désormais prises au piège par un éclairage médiatique et de communication aussi précipité qu’improductif. « Il faut donner un espoir au territoire », a dit la ministre !? Sans doute, mais il faut aussi parfois laisser travailler les équipes de l’ombre, plus pérennes et impactées !
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