Vendredi dernier, 10 février 2017, nous avons rapporté sur notre site les propos qui ont été tenus, lors d’une table ronde, concernant le développement des 3 réseaux en bornes de recharge pour véhicules électriques reconnus de « dimension nationale ». L’événement s’est déroulé mercredi 8 février dernier, dans le cadre de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, présidée par la députée Frédérique Massat, Ce second volet que nous vous proposons aujourd’hui est consacré aux prises de parole des intervenants d’Enedis et de RTE qui s’exprimaient plus particulièrement sur l’impact au niveau des réseaux électriques du développement des véhicules branchés et de leurs infrastructures de recharge.
3 défis
Directeur de la mobilité électrique chez Enedis, Jean-Christophe Bonnard s’appuie sur les connaissances et l’expérience acquises par son entreprise qui assure 95% de la distribution d’électricité en France et la gestion du service. La société « a en charge le raccordement des bornes de recharge, soit directement, lorsque le point de livraison est juste derrière les bornes, soit indirectement quand les bornes sont implantées sur des sites tertiaires, par exemple des parkings de grande surface, ou sur des parkings privés du type Indigo », présente Jean-Christophe Bonnard. Il cite les principaux défis inhérents à ce rôle : « maîtrise des coûts de raccordement dans l’intérêt général, interopérabilité du service de recharge, et déploiement harmonieux ».
Expérimentation avec Sodetrel et Tesla
« Nous avons développé une prestation qui permet d’optimiser l’emplacement de la borne au plus près du réseau », explique Jean-Christophe Bonnard. Il souligne l’importance de faire les bons choix de sites d’implantation afin de « minimiser les coûts de raccordement ». Il rapporte : « Cette prestation fonctionne bien ; nous l’avons développée et expérimentée avec Sodetrel, Tesla, et bon nombre de syndicats d’électricité qui déploient des bornes dans le cadre du programme d’investissements d’avenir ». Un dispositif également proposé aux opérateurs de transport urbain pour positionner les infrastructures de recharge pour leurs flottes de bus électriques. Des chantiers d’importance, « puisque les puissances appelées sont considérables », souligne le directeur de la mobilité électrique chez Enedis.
Contrôle de la pointe électrique : Ecoflot…
« Concernant le contrôle de la pointe électrique, nous développons aujourd’hui 2 projets qui sont représentatifs d’implantations de bornes dans le milieu privé », témoigne Jean-Christophe Bonnard. Le premier, Ecoflot, est à usage interne. Il s’agit de mettre en place un système de recharge intelligente qui permet de diminuer la pointe de consommation provoquée par le ravitaillement de la flotte d’Enedis composée de 1.700 véhicules électriques. Au total, l’entreprise dispose de 1.800 points de charge. « Nous pouvons d’ores et déjà montrer qu’on peut maîtriser ainsi les appels de puissance », révèle le directeur en mobilité électrique.
…et BienVenu
« Avec différents partenaires, nous expérimentons les solutions de recharge dans les bâtiments résidentiels avec le projet BienVenu, où là aussi nous déployons un système d’infrastructures dans les parkings des copropriétés ou des logements sociaux », expose à l’assemblée Jean-Christophe Bonnard. Dans le cadre de ce programme soutenu par l’Ademe, la première étape passe par une sélection de 10 immeubles pilotes, dont 6 ont déjà été choisis. Le projet BienVenu, complémentaire au programme Advenir, vise à « établir une solution de recharge à coût minimisé avec une infrastructure couplée à un système de paiement de la prestation via le syndic ou via un opérateur », détaille-t-il.
Interopérabilité
Sur la question de l’itinérance de la recharge, le responsable chez Enedis a indiqué : « Nous participons avec d’autres opérateurs à la plateforme d’interopérabilité Gireve ; nous travaillons activement avec eux pour faire en sorte que les protocoles de communication entre les bornes, les véhicules et les opérateurs soient le plus interopérable possible, y compris avec les bornes de recharge qui seront installées à domicile ».
Tesla
Enedis est bien évidemment présent dans le programme français de développement des solutions de recharge imaginées par le constructeur américain Tesla. Jean-Christophe Bonnard brosse le décor : « Ce sont aujourd’hui 51 stations qui ont été raccordées. Ces superchargeurs disposent de 6 ou 8 points de charge à 110 kW chacun. Tesla nous a demandés de travailler sur une trentaine de stations complémentaires sachant que déjà 3 stations à 8 points de charge sont saturées. Au moins la moitié des stations sont équipées d’un point de charge accessible au public utilisant d’autres modèles de voitures électriques ». Poursuivant sur ce sujet provoqué par la question d’une parlementaire, Sophie Rohfritsch, députée du Bas-Rhin, et rebondissant à celle du député du Pas-de-Calais Daniel Fasquelle, le représentant d’Enedis évoque aussi, en rapport avec les communes touristiques, le réseau Tesla de recharge à destination : Le constructeur fournit « des bornes à des hôtels qui le demandent ; aujourd’hui, il y a déjà 150 stations installées, en général à 2 ou 4 points de charge ». Un chiffre qui devrait doubler dans l’année, selon lui.
6 milliards d’euros
« Concernant les coûts d’adaptation du réseau, sur des problèmes locaux de raccordement ou de renforcement du réseau, jusqu’à présent, le chiffre qui a été annoncé, c’est 1.000 euros par voiture à l’horizon 2030 », rappelle Jean-Christophe Bonnard. « Aujourd’hui, on n’a pas d’impact perceptible, mais on arrive à raccorder les stations Tesla qui sont à peu près à 1 MW, pour 8 points charge à 110 kW », modère-t-il. « Ce 1.000 euros par véhicule, qui donne ce 6 milliards à horizon 2030, nous sommes en train de le challenger », précise-t-il devant les intervenants et parlementaires réunis. Enedis est en train de réaliser une étude très précise qui tient compte des différentes puissances de bornes et de différents modèles d’utilisation afin d’affiner l’estimation véhiculée dans la presse.
Pilotage de la recharge
Au sujet du pilotage de la recharge, Jean-Christophe Bonnard déplore : « On se rend compte qu’il n’y a pas beaucoup de fournisseurs de ces solutions aujourd’hui ». Pas question pour autant de lâcher la piste : « On travaille avec l’Avere pour faire en sorte que les installateurs susceptibles de mettre en œuvre ces solutions qui sont actuellement à l’état expérimental soient vraiment industrialisées et commercialisées pour permettre aux opérateurs, aux copropriétés et aux acteurs de la construction de les mettre en œuvre ».
5 GW
Thomas Veyrenc, directeur du département Marchés chez RTE, prend la parole sur la délicate question de la pointe de consommation une fois les véhicules électriques installés dans l’Hexagone : « Il y a quelques années, et même encore récemment, on a pu entendre des chiffres qui sont assez alarmistes. Et c’est vrai que si l’on prend en compte 4,5 millions de véhicules électriques en 2030, soit l’objectif de la PPE, et qu’on multiplie par les puissances de recharge qui sont très différenciées, 3 kW si c’est lent, ça peut aller jusqu’à beaucoup plus si la recharge est rapide, ça donne tout de suite des chiffres impressionnants de l’ordre de plusieurs dizaines de gigawatts ». Il modère, évaluant, pour la France : « Il n’y a aucune raison que les actions de recharge soient toutes synchrones. Pour un parc de 4,5 millions de véhicules, la contribution à la pointe du soir, ça va plutôt être de l’ordre de 5 GW ».
Eclairage public et résidentiel
« Cinq GW, c’est un chiffre important, c’est par exemple l’éclairage public et résidentiel », illustre Thomas Veyrenc. Se voulant rassurant, il estime que d’ici 2030 les besoins en électricité pour l’éclairage public pourraient baisser de moitié. Dans ce contexte, le besoin de 5 GW pour la mobilité électrique, qu’il qualifie « d’ordre de grandeur », ne se traduit « pas forcément par des moyens qu’il va falloir construire en plus ». Il évoque « au niveau collectif des leviers pour gérer cette charge », comme « réduire encore cet appel de puissance du système ».
Charge différée
RTE effectue des simulations bien au-delà des 5 millions de véhicules électriques, et envisage, par exemple, des scénarios avec un parc branché 3 fois plus grand. « Dans nos modèles, on va considérer que la recharge des véhicules électriques peut être pilotée, et panachée entre différents modes de recharge, – lent, accéléré, rapide -, et surtout différents types de recharge », détaille Thomas Veyrenc. A la recharge naturelle qui consiste à faire démarrer l’opération dès que l’utilisateur arrive et branche sa voiture, il oppose « un asservissement à un signal tarifaire, comme l’eau chaude sanitaire avec le déclenchement automatique des chauffe-eau la nuit ». Suffisant ? « Ca existe depuis un certain temps, c’est pas du Smart Grid du XXIe siècle, ça peut être très efficace, et ça peut déjà conduire à repousser une large partie de l’appel de charge », plaide-t-il.
Batteries intelligentes
« On peut pousser encore plus loin avec un signal d’asservissement de marché et des batteries intelligentes, et puis on peut même envisager une communication bidirectionnelle entre le véhicule, la batterie et le réseau, avec ce qu’on appelle parfois le ‘vehicle to grid’ », avance Thomas Veyrenc, qui prie son auditoire de ne pas y voir de la science-fiction, mais bien une architecture qui se dessine à l’horizon. Le directeur du département Marchés chez RTE évoque un véritable « travail de fourmis » qui tient compte aussi de différentes possibilités de stockage, et qui intéresse déjà plusieurs constructeurs automobiles.
3 GW
Avec les différents dispositifs exploitables, « les résultats sont susceptibles d’être assez différents », se réjouit Thomas Veyrenc. « Avec notre hypothèse centrale qui a été reprise par un certain nombre d’instituts, en panachant 60/40, entre naturelle et pilotée, on serait plutôt à 3 GW d’appel de puissance en 2030 », chiffre-t-il. Il poursuit : « Si on pilote 100% de la recharge, on peut même être à 0% à 19h00 et décaler » à plus tard l’appel de puissance supplémentaire dû au ravitaillement des véhicules électriques, imagine-t-il. Il traduit : « Ce sont des phénomènes sur lesquels on a des leviers qui sont de l’ordre de la normalisation technique ou des signaux économiques ».
20 à 100 euros par VE
« Nous nous sommes livrés à un exercice de quantification en évaluant quels sont les gains possibles pour une collectivité de passer de la charge naturelle au pilotage dynamique. Sans exposer tous les détails de l’étude, je dirais que le simple pilotage classique heures pleines / heures creuses, pas extrêmement sophistiqué par rapport aux possibilités technologiques actuelles, peut permettre de capter des gains qui sont déjà importants, de 20 à 100 euros par véhicule, en valeur collective », relève Thomas Veyrenc. Même s’il estime que l’essentiel sera obtenu avec le pilotage HP/HC, le résultat peut être amplifié, selon lui, « si on passe au pilotage tarifaire optimisé comme celui qui est permis par un compteur communiquant ».
Intermittence des EnR
Le niveau supérieur est constitué par le pilotage dynamique susceptible « de créer un gain à nouveau important », promet le responsable chez RTE. Un système « qui permettra de traiter les questions de flexibilité qui sont associées à l’intermittence des EnR, donc d’avoir une bonne compensation entre les phénomènes de recharge et les injections d’électricité qui viennent des énergies renouvelables ». Persuadé de la création de valeur obtenue de différents dispositifs à exploiter, il appelle à écarter les « visions catastrophistes » (puissance unitaire de la charge la plus rapide fois le nombre de voitures électriques) qui sont véhiculées ici ou là au sujet de l’impact de la recharge dans un contexte où les VE se développeraient selon les projections envisagées.
Dans les gares
Plus la recharge est longue, « mieux c’est, parce que plus c’est diffus », résume Thomas Veyrenc qui précise bien que son propos n’est pas « d’interdire les recharges rapides », mais bien de trouver un bon équilibre de « panachage avec le lent ». Il prévient : « Il faudra être vigilant pour qu’il n’y ait pas des zones dans lesquelles tout le monde sur un point voudrait faire de la recharge rapide en même temps ». En résumé, « avec un panachage intelligent, les impacts sur le système peuvent être modérés et proportionnés ». Pour illustrer ses convictions, le responsable chez RTE prend l’exemple des gares où des véhicules sont régulièrement stationnés entre 8h00 et 17h30 : Dans ce cas, « une recharge lente suffit, ou alors on la diffère dans le temps ; pour le système électrique c’est pertinent ». Des scénarios qui permettent de ne pas amplifier le pic du matin au moment où il est en train de se créer.
Flottes d’entreprise
« Les flottes d’entreprise et le marché de l’occasion, ce sont les points que l’on a le plus de mal à modéliser aujourd’hui », avoue Thomas Veyrenc qui est conscient qu’avec les parcs professionnels « il peut y avoir des basculements qui sont importants ». Or, pour estimer au mieux l’impact du déploiement des réseaux de recharge des véhicules électriques, « on a besoin de savoir concrètement, d’avoir des hypothèses sur comment ça va se passer dans un cadre qui voit des usages se modifier ».
Vidéo de la table ronde
INFOS
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