Au salon de l’automobile de Genève, Carlos Tavares, patron de PSA, est resté sur sa prudente position concernant la mobilité électrique. Extractions des matières premières, empreinte carbone de la fabrication des batteries et leur recyclage, propreté de l’énergie électrique, constituent pour lui les principaux freins au développement des voitures branchées. Et surtout, il estime que les conditions nécessaires pour rassurer les automobilistes au sujet de la recharge des accumulateurs ne sont pas réunies en Europe. Selon lui, son groupe serait prêt à produire dès l’année prochaine différents modèles de VE. Mais il met une condition à son feu vert : que les Etats européens s’engagent à déployer un réseau de recharge suffisant. Il a assuré : « Il y a une responsabilité claire des Etats », citant ce qu’il estime être le ratio idéal : 1 sur 10.
1 sur 10 ?
A quoi correspond ce ratio de 1 sur 10 ? Les médias semblent avoir du mal avec la précision concernant le vocabulaire a employer pour la mobilité électrique ! Selon PSA, le ratio optimal pour faire décoller le marché branché serait d’un point de charge pour dix voitures électriques en circulation. Des propos qui sont déformés dans certains quotidiens, le point de charge se transformant en borne et même en station. Ces mots qui ne sont pourtant pas synonymes : une station pouvant compter une ou plusieurs bornes, cette(ces) dernière(s) étant le plus souvent équipée(s) de divers câbles et/ou connecteurs. Le nombre de recharges possibles en simultanée donne celui des points de charge que compte la borne. Et pour complexifier encore le tout, les prises dédiées à la recharge lente sont parfois purement et volontairement ignorées lorsqu’il s’agit de dénombrer les points de charge accessibles depuis une borne accélérée.
20.000 sur 100.000
En 2017, 2 paliers symboliques ont été franchis. Ainsi, au premier trimestre de l’année dernière, le parc français des voitures particulières et utilitaires légers électriques a dépassé les 100.000 unités. Quelques mois plus tard étaient recensés dans l’Hexagone 20.000 points de charge sur des places de stationnement matérialisées dans l’espace public. Soit 1 point de charge pour 5 VE (VP+VU), c’est-à-dire 2 fois plus de PDC que dans le souhait formulé par Carlos Tavares. Dans ces 20.000 points de charge ne figurent ni les installations privées, – telles les bornes réservées aux salariés et éventuellement visiteurs d’une entreprise -, ni le matériel dépendant d’un logement (wallbox ou simple prise domestique). Le réseau de recharge, tout aussi perfectible soit-il, n’est donc globalement pas à la traîne aujourd’hui en France, même s’il souffre d’une réelle carence en bornes pour régénération rapide des batteries. Ce maillage comptait en septembre dernier pas loin de 7.250 stations de recharge, à comparer avec les 11.000 stations-service ouvertes dans l’Hexagone pour faire le plein en essence ou en gazole. Les chiffres sont là, mais la communication peut-être pas suffisante dans les médias.
Ne pas se reposer sur ses lauriers
Pas à la traîne le réseau français de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables, mais il pourrait le devenir si l’on assistait à une véritable explosion des ventes de VE. Pourquoi ? Tout simplement parce que nombre de programmes de déploiement de bornes, soutenus par les syndicats de l’énergie, sont arrivés à leur terme. Certains de ces établissements ont heureusement déjà prévu un complément ou une tranche supplémentaire de nouvelles installations de bornes, en s’appuyant sur leurs observations de terrain. Ce n’est cependant pas le cas dans tous les départements. Même avec une importante partie de l’effort d’investissement pris en charge par l’Etat, via l’Ademe, le poids du démarrage des réseaux n’est pas négligeable pour ces organismes qui ont d’autres projets à développer, dont certains concernent aussi la mobilité durable. Dans ce cadre, des syndicats de l’énergie sont aussi mobilisés pour l’ouverture de points de livraison en hydrogène et/ou en GNV.
En avant ?
Quoi qu’il en soit, Peugeot peut donc déjà s’atteler à élargir pour 2019 en France son offre en véhicules électriques, si la condition pour que le Lion s’active est bien que soit atteint ou dépassé ce ratio de 1 sur 10. Toutefois, la projection de PSA selon laquelle le marché branché s’envolerait alors semble s’effriter quelque peu. On l’a constaté une nouvelle fois avec les chiffres relativement moroses des nouvelles immatriculations de voitures particulières électriques en janvier et février 2018. Carlos Tavares estime que son groupe a déjà mis pas mal d’argent sur la table pour tenter une percée dans la mobilité électrique, sans retours satisfaisants. Mais peut-on comparer les Peugeot iOn et Citroën C-Zero à la Renault Zoé qui devient toujours plus intéressante avec les améliorations qu’elle reçoit, depuis une sellerie et des couleurs plus attrayantes, jusqu’à une autonomie qui permet déjà d’envisager des trajets à moyennes, et même longues, distances. Si PSA veut vraiment récolter les fruits de son investissement dans les véhicules électriques, le groupe et ses porte-parole ont tout intérêt à se montrer confiants, déterminés et convaincus. Le Losange fait cela très bien depuis le lancement de sa gamme Z.E., et notamment de sa citadine branchée. Et ça, Carlos Tavares, ancien numéro 2 de Renault, le sait très bien.
Utilitaires et ludospaces
Proposer le Peugeot Partner et le Citroën Berlingo dans de vraies versions ludospaces, – et non comme le Kangoo qui est reconnu comme un utilitaire en dépit de ses possibles 5 places sur version Maxi Z.E.-, était une excellente idée. Il y a une véritable attente pour de tels engins. La recharge rapide, c’est un point très positif également. Mais il manque une autonomie acceptable, surtout en rapport avec l’effort d’investissement que les particuliers doivent fournir pour acquérir ces modèles. Idem pour les utilitaires. Les fourgons PSA disposent d’atouts convaincants pour concurrencer le Kangoo. Mais l’autonomie de ce dernier a été améliorée, ce qui gomme là encore l’avantage de la recharge rapide. Quoi qu’il en soit, les mesures qui visent à restreindre l’accès de certaines zones urbaines à une sélection de véhicules thermiques, aura bien pour conséquence le développement des voitures particulières et utilitaires électriques. Les constructeurs prêts au bon moment avec des offres bien ficelées en retireront les premiers bénéfices !
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