Au moment où nous célébrons le cinquième anniversaire de l’Accord de Paris sur le climat, lorsque nous regardons la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre depuis sa signature, celle du secteur des transports continue de stagner et l’inflexion nécessaire pour parvenir à l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050 n’est pas encore enclenchée. Pour y parvenir, le secteur aura besoin d’être accompagné et c’est l’une des missions de l’ADEME qui met ses capacités d’expertise et de prospective au service des politiques publiques. L’ADEME vient d’ailleurs de publier sa stratégie Transports et Mobilité pour les 3 ans qui viennent. Rencontre avec Jérémie Almosni (Chef de Service – Service Transports et Mobilités au sein de l’ADEME) pour évoquer les principaux axes de cette stratégie que l’ADEME entend mettre en œuvre en y associant tous les acteurs qui œuvrent dans ce domaine à la transition écologique.
Jérémie Almosni, avant de parler de la stratégie Transport et Mobilité de l’ADEME pour la période 2020-2023, peut-on rappeler le rôle qu’entend jouer l’ADEME en tant qu’acteur majeur de la transition énergétique en France ?
L’ADEME souhaite se positionner comme un acteur de référence, un catalyseur de l’accélération de la transition écologique qui s’avère nécessaire dans ce contexte d’urgence climatique. La transition écologique devient un sujet de préoccupation majeur des français et plus largement des européens. Il nous faut donc accompagner cette transformation aussi bien sur des sujets de recherche et d’innovation que sur des actions de sensibilisation et d’accompagnement des politiques publiques. Depuis bien en amont des projets jusqu’à leur déploiement, l’ADEME doit se positionner comme un acteur central aux côtés des acteurs de la transition écologique : les entreprises, les collectivités locales ou encore le grand public sous toutes ses formes.
La stratégie Transports et Mobilité de l’ADEME s’articule autour de 3 axes : maîtriser, reporter, optimiser. Avant de rentrer dans le détail de chacun d’entre eux, pouvez-vous nous les présenter brièvement ?
Nous nous sommes attachés à séquencer et à hiérarchiser les grands axes de notre stratégie. Une fois que nous avons déterminé quels étaient les leviers pour parvenir à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous nous sommes dit qu’en premier lieu il était tout à fait possible de réfléchir à limiter et à contenir la demande de transport. Pour ce faire, il convient d’identifier les déplacements qui pourraient s’avérer évitables, en particulier avec la mise en place du télétravail ou le développement de circuits courts pour les marchandises. Une fois que nous avons limité les déplacements, nous regardons comment reporter ceux qui restent vers des modes moins impactants pour l’environnement. Malgré cette orientation, la voiture restera un objet du quotidien des français. Nous devons donc également trouver des solutions pour améliorer les solutions de mobilité existantes, en particulier par le volet technologique en encourageant l’émergence des carburants alternatifs et de l’électromobilité.
Comment l’ADEME compte agir sur la demande et les comportements. Quels sont vos chantiers prioritaires pour les trois années à venir ?
Nous avons identifié 5 leviers d’action : les déplacements du quotidien, la mobilité inclusive, la logistique, le e-commerce et le tourisme. Nous avons notamment travaillé sur les déplacements du quotidien en y intégrant les modes de vie. Ainsi, nous nous intéressons fortement au e-commerce qui s’est intensifié durant le confinement et qui s’inscrit désormais durablement dans les pratiques des français. Nous regardons également de près les déplacements choisis, en particulier ceux liés au tourisme, avec des enseignements tirés de l’été 2020 où le tourisme durable et local a connu une envolée extrêmement forte qu’il s’agit de pérenniser et d’amplifier. Nous avons aussi intégré les enjeux de logistique et de livraison du dernier kilomètre. Dans ce domaine, nous sommes également dans une approche de circuits courts et de nouvelles centralités pour gérer les flux de marchandises.
Comment comptez-vous développer les modes de transports alternatifs et quels sont ceux que vous privilégiez ?
Il y a tout d’abord un levier d’action assez naturel, celui du développement de la marche et du vélo pour lequel nous allons lancer différents programmes d’action pour soutenir le financement de schémas directeurs cyclables, de services vélos ou d’actions de sensibilisation sur l’usage de la bicyclette. Pour la marche, nous voudrions lancer un baromètre sur l’indice de marchabilité des villes, qui encouragera le développement d’espaces publics propices à la marche. Concernant les modes partagés, en particulier le covoiturage qui aurait une place très intéressante sur les zones peu denses, nous pouvons imaginer des appels à projets à destination des entreprises et des collectivités pour encourager les déplacements de leurs salariés via des modes partagés. Enfin pour le développement du ferroviaire, nous allons travailler sur la connaissance des déplacements longues distances pour voir comment permettre le report modal de l’avion vers le train, en particulier sur les lignes domestiques.
Le troisième axe de votre stratégie consiste à améliorer l’existant pour limiter son impact sur l’environnement. Là encore, quels sont vos chantiers prioritaires ?
Pour optimiser la gestion des flux, il va falloir travailler sur le taux de remplissage des transports collectifs. Nous aurons également un gros volet technologique pour accompagner l’objectif fixé dans la Loi d’Orientation des Mobilités de fin de vente des véhicules à carburant fossile d’ici 2040. Pour cela, nous allons lancer des appels à projets, des guides d’accompagnement, rédiger des notes d’expertise et faire de l’animation territoriale pour inciter les prescripteurs de mobilités à se tourner vers des véhicules et des modes de transport les moins carbonés. Sur cet axe-là, il me semble également important de travailler sur l’aspect évaluation environnemental pour disposer des bons indicateurs pour évaluer la pertinence d’une technologie ou d’un usage. Enfin, nous souhaitons intégrer tout ce qui concerne les mesures régulatrices afin de trouver le bon équilibre entre les moyens d’inciter l’adoption des solutions les moins impactantes pour l’environnement et les contraintes les plus justes et efficaces permettant de répondre aux enjeux de la transition écologique et solidaire.
« Nous ne pensons pas qu’il existe une solution miracle qui nous sauvera, mais plutôt un mix de solutions qui permettra de couvrir l’intégralité des besoins de mobilité »
Pour les carburants alternatifs, cherchez-vous à en privilégier un seul ou préconisez-vous plutôt un mix ? Nous cherchons avant tout à bien comprendre la demande de transports et les besoins pour identifier les solutions à y apporter. Nous pensons que la solution ne vient pas uniquement du véhicule électrique, du véhicule hydrogène ou des biocarburants, mais plutôt d’une approche complémentaire. Par exemple, pour les poids-lourds, l’hydrogène et le bio GNV présentent des caractéristiques intéressantes tandis que pour les véhicules particuliers c’est plutôt le cas des véhicules électriques à batterie. Nous ne pensons pas qu’il existe une solution miracle qui nous sauvera, mais plutôt un mix de solutions qui permettra de couvrir l’intégralité des besoins de mobilité.
Si l’ADEME souhaite porter sa vision auprès des décideurs publics et privés, vous souhaitez aussi créer une réflexion collective. Jouer collectif est-il essentiel pour réussir la transition énergétique dans le secteur des Transports ?
C’est une clé de voute incontournable. Nous avons construit cette stratégie de manière collective en essayant de mobiliser assez largement l’écosystème de la mobilité via des ateliers avec toutes les parties prenantes. Dans la mise en œuvre de cette stratégie, nous souhaitons également lancer un Appel à Manifestation d’Intérêt pour créer une communauté d’experts externes qui se positionnerait comme un groupe miroir sur les indicateurs du marché et les informations qui pourraient guider l’ADEME dans le choix des actions à mener, mais aussi pour disposer d’indicateurs co-construits pour évaluer l’atteinte des objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de cette stratégie. Nous devons également prendre conscience qu’un grand nombre d’acteurs œuvrent déjà pour cette transformation écologique et qu’il est indispensable que nous coordonnions nos actions afin qu’elles soient complémentaires.
« Il convient de tenir compte de la notion d’accès, au plus grand nombre et sur l’ensemble des territoires, des solutions qui seront défendues et proposées dans le cadre de notre stratégie »
Pour conclure, la crise sanitaire actuelle qui a induit certains changements dans les comportements peut-elle faciliter la réalisation de vos trois objectifs : maîtriser, reporter, optimiser ?
La crise sanitaire est venue percuter la rédaction de notre propre stratégie. Elle a permis de révéler certains effets aussi bien désirables qu’indésirables et surtout de voir certaines accélérations s’opérer. Ceci nous a amené à réviser et à réorienter notre stratégie sur certains points. Par exemple, sur la maîtrise de la demande concernant les déplacements du quotidien, le télétravail constitue désormais un standard d’entreprise et nous espérons qu’intégrer le télétravail dans les pratiques sera un marqueur fort dans le changement de comportement des entreprises. De même pour les particuliers avec le vélo qui a connu un essor considérable durant cette crise via le développement de pistes cyclables temporaires ou encore les mesures gouvernementales qui ont été déployées pour soutenir cette pratique. A contrario, nous devons aussi prendre en compte les effets négatifs de cette crise sans précédent, ainsi que ses conséquences économiques et sociales. La mobilité écologique et durable devra également être inclusive, donc pour tous. Il convient ainsi de tenir compte de la notion d’accès, au plus grand nombre et sur l’ensemble des territoires, des solutions qui seront défendues et proposées dans le cadre de notre stratégie. D’autre part, certains secteurs comme les transports collectifs ont été fortement impactés par cette crise et nous devrons nous assurer que cette mobilité partagée ne prenne pas de plein fouet la difficulté que l’on a aujourd’hui du vivre ensemble avec ce port du masque et la distanciation sociale imposée. Il faudra redonner confiance dans ces modes de transport moins impactants pour l’environnement.
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