Depuis le mois de novembre dernier, Enedis expérimente les flexibilités locales au sein de la station de ski d’Isola 2000 située dans les Alpes-Maritimes. Pour mener à bien ce projet « Flex Mountain », elle a signé deux contrats d’un genre nouveau avec deux acteurs de l’écosystème local. Deux acteurs qui, moyennant rémunération, sont invités à effacer leurs consommations pour éviter les pics d’activité et garantir la continuité de l’alimentation du réseau électrique de la station. Si ce projet ne concerne pas directement la mobilité électrique, il est intéressant car aussi bien les véhicules électriques que les bornes de recharge peuvent à terme jouer un rôle dans la mise en œuvre des flexibilités locales. Des flexibilités susceptibles d’accélérer la transition énergétique. Interview de Frédéric Olive (Délégation Développement, Innovation et Numérique d’Enedis Côte d’Azur) pour évoquer en détail ce projet de station de ski intelligente.
Frédéric Olive, Enedis a lancé un projet baptisé Flex Mountain visant à sécuriser l’alimentation électrique de la station de ski d’Isola 2000. Tout d’abord, en quoi le site d’Isola 2000 était particulièrement adapté à ce projet ?
Comme beaucoup de stations de ski en France, Isola 2000 est alimentée par RTE via une seule ligne électrique à très haute tension en 63 000 volts. Un réseau qui présente une fragilité, essentiellement en hiver où il arrive qu’on subisse des ruptures de câble. Lorsque ce réseau HTB tombe, c’est le réseau en 20 000 volts d’Enedis qui prend le relais en secours. Or, à certains moments de l’année, ce réseau est insuffisant pour alimenter l’ensemble des clients de la station. C’est le cas entre les mois de novembre et d’avril, plutôt la nuit, ce qui nous conduit à faire des délestages en coupant l’alimentation de certains clients de manière totalement inopinée. L’usage de flexibilités locales doit nous permettre de l’éviter.
Quel est l’objectif principal de ce projet ?
Notre objectif est de contractualiser de la flexibilité, sous formes d’effacement de consommation, avec des acteurs de la station gros consommateurs d’énergie. Ceci afin de résorber au plus vite et au meilleur coût les coupures électriques en cas d’incidents sur le réseau. En réalisant cette première en France, nous allons également tester l’appétence de ces acteurs pour un mécanisme de rémunération de la flexibilité.
Peut-on rappeler ce que l’on entend par flexibilité locale ?
Une flexibilité consiste à moduler en temps réel les quantités d’électricité soutirées ou injectées sur les lignes électriques, en évitant les pics d’activité pour garantir la continuité dans la fourniture de courant. Cela passe soit par un report de consommation, soit par un effacement pur et simple comme à Isola 2000. En réduisant provisoirement les appels de puissance, l’utilisation de flexibilités permet d’éviter de recourir à des investissements coûteux pour la collectivité. En règle générale, elle permet aussi de faciliter le raccordement d’énergies renouvelables même si ce n’est pas le cas à Isola 2000 où nous cherchons à pallier des contraintes réseau très ponctuelles, d’une à deux heures maximum.
Un contrat innovant avec deux acteurs de l’écosystème local
Pour mettre en œuvre ces flexibilités locales, il est indispensable de pouvoir s’appuyer sur des acteurs gros consommateurs d’énergie. Sur Isola 2000, avec quels partenaires avez-vous contractualisé ? Après avoir identifié 5 acteurs locaux disposant d’une capacité d’effacement supérieure à 500 kW, nous avons lancé un appel d’offres et nous en avons retenu deux candidatures. La première est celle de la Société d’Economie Mixte des Cimes du Mercantour qui gère le domaine skiable d’Isola 2000 et notamment la production de neige artificielle. Comme celle-ci est produite la nuit, si une avarie survient sur le réseau THB de RTE et qu’Enedis n’est pas en capacité de prendre le relais, nous allons demander à la SEM de décaler une partie de sa production de neige. Le deuxième acteur avec lequel nous avons contractualisé est EAS Industrie, une société qui gère le chauffage collectif dans les barres d’immeubles de la station. Par un système de télégestion, ce chauffagiste peut interrompre l’alimentation électrique du chauffage pendant une heure, ce qui est imperceptible pour les occupants compte tenu de l’inertie thermique des bâtiments.
Concrètement, comment mettez-vous en œuvre ces flexibilités à Isola 2000 ?
La période durant laquelle nous demandons à nos deux partenaires de s’effacer en cas de besoin est de minuit à 6 heures, du 1er novembre au 31 mars. Nos calculs montraient que, dans les pics d’appel de puissance, le gap à couvrir était de 2,5 MW. Nous avons contractualisé pour mettre à notre disposition jusqu’à 3,6 MW de flexibilité pendant deux heures. Cela nous permet de gérer des crises éventuelles plus longues que celles que nous rencontrons actuellement. Signés pour un an renouvelables deux fois, ces contrats ont obligé nos deux partenaires à prendre en compte leurs engagements dans leur fonctionnement même s’ils gardent la main sur le système et ont la possibilité de ne pas s’effacer si nous les sollicitons à un moment qui n’est vraiment pas opportun pour leur exploitation. Par exemple pour la SEM en début de saison, lorsque la production de neige est à son maximum pour constituer le manteau neigeux de la station.
Même si l’activité de la station a été réduite en raison de la crise sanitaire, avez-vous déjà pu tirer quelques enseignements de cette expérimentation ?
C’est vrai que l’activité de la station a été réduite cette saison et que nous n’avons pas connu de véritables problèmes d’alimentation électrique. Nous avons cependant réalisé il y a trois semaines une vague de tests pour simuler une situation de crise. Des tests d’activation qui nous ont permis de vérifier le bon fonctionnement du système. L’opération était supervisée par notre agence de conduite régionale à Toulon et les effacements de consommation de nos deux partenaires se sont parfaitement déroulés.
Une étape avant la phase d’industrialisation des flexibilités locales
Ce projet Flex Mountain à Isola 2000 se situe dans le prolongement de Nice Smart Valley, l’un des démonstrateurs européens des smart grids que pilotait Enedis. Avec ce projet, avez-vous l’ambition de passer à la phase d’industrialisation des solutions ?
Oui, l’idée est de tester l’appétence des acteurs privés ou publics ce type de comportements et ce mode de rémunération. Si l’appétence des clients se confirme, Enedis pourrait être amené à déployer ce dispositif de manière industrielle, aussi bien sur d’autres stations de ski que sur d’autres zones présentant des fragilités de desserte électrique. Objectivement la rémunération proposée, qui est calculée au nombre de MWh effacé, n’est pas aujourd’hui la principale motivation des opérateurs qui sont surtout intéressés par la possibilité de contribuer à une solution totalement innovante qui sécurise l’alimentation électrique et permet de préserver l’ensemble de la station du risque de coupures de courant.
Au-delà d’Isola 2000, quels sont vos objectifs en matière de déploiement de cette solution dans d’autres stations ou dans d’autres configurations ?
Nous n’avons pas d’objectifs précis dans ce domaine mais le marché est très porteur. Il y a en France des dizaines de stations de ski dans le cas d’Isola 2000. Entreprise de service public, notre motivation n’est pas mercantile mais avec cette solution nous recherchons avant tout la satisfaction de nos clients, tout en sécurisant le réseau sans avoir recours à des investissements considérables. Ainsi, pour la station d’Isola 2000, il faudrait investir des dizaines de millions d’euros, soit du côté RTE soit du côté d’Enedis, pour fiabiliser totalement son alimentation électriques. Des investissements qui ne se justifient pas pour épargner la station de quelques heures de coupure par an. L’idée est donc de trouver une solution agile basée sur le consentement de gros consommateurs d’énergie. Des acteurs locaux qui, par un effort momentané, puissent contribuer à la sécurisation et à l’équilibrage de l’alimentation de la station. Une solution qui pourrait également être appliquée dans d’autres zones de contraintes en France, comme celles fragilisées par des inondations. D’ailleurs, dès cette année, Enedis réfléchit à lancer d’autres projets que celui de Flex Mountain, mais sur d’autres régions et avec d’autres problématiques de flexibilités.
Pour terminer, même si ce n’est pas le cas à Isola 2000, la mobilité électrique peut également jouer un rôle en matière de flexibilité. Enedis travaille-t-il sur des solutions prenant notamment en compte les capacités de stockage des batteries des véhicules électriques ?
Il est vrai que les véhicules électriques ou leurs batteries de seconde vie peuvent jouer un rôle en matière de flexibilités. Ce n’est pas le cas dans le projet Flex Mountain, mais le cas d’usage Vehicle-to-Grid ou V2G est étudié dans le cadre du démonstrateur aVEnir que nous menons avec un consortium de constructeurs automobiles. Mais chez Enedis, nous réfléchissons plus à une flexibilité des opérateurs de recharge quand on va massifier le déploiement de bornes avec en particulier une multiplication des bornes de recharge rapide et ultra-rapide. Nous pourrons alors être amenés à solliciter ces opérateurs pour moduler la puissance de recharge à certaines heures de façon à soulager le réseau lorsqu’il est en contrainte.
INFOS
Enedis
125 avenue De Brancolar
06173 NICE CEDEX 2
Bravo Enedis. Bloque 35 mn sur un télésiège et plus de remontées sur Isola 2000 ce 8 décembre !!!! vive le flex montaîn !!!
Bonjour Monsieur Hass,
Il y a bien eu un incident le 7 décembre entre 10H15 et 11H45 ce jour là. C’est un incident HTA (moyenne tension) dont l’origine est un défaut sur l’installation privé HTA de la SEM qui gère la station.
Donc Enedis n’est pas à l’origine de la coupure et bien évidemment la Flexibilité n’est pas du tout une réponse à ce type d’évènement. Enedis et Flex Moutain ne sont pas à incriminer
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