Avec un carnet de commandes qui commence à se remplir, le constructeur américain Eviation, spécialisé dans les avions électriques, vient de passer la vitesse supérieure en ayant réussi un premier vol d’essai de 8 minutes à une altitude de plus de 1 000 mètres (3 500 pieds).
La société Eviation est née en 2015 de la rencontre entre 2 anciens militaires de l’armée israélienne qui se sont ensuite spécialisés dans les groupes motopropulseurs, la production d’énergie verte et les moyens de la stocker.
Ils ont dévoilé en 2017 au salon international de l’aéronautique et de l’espace un prototype à l’échelle 1/4e dont le fuselage s’inspirait des mammifères marins afin de gagner en vitesse et agilité. Deux ans plus tard, ils sont revenus à Paris-Le Bourget pour présenter un appareil fonctionnel à taille normale.
L’équipe d’Eviation a assemblé l’année dernière Alice, le premier exemplaire de leur avion électrique dans la configuration définitive et en version pour transporter jusqu’à 9 passagers (Catégorie Far 23). C’est lui qui a pris son envol le 27 septembre dernier depuis l’aéroport du comté de Grant, dans l’Etat de Washington où est basée l’entreprise.
L’ambition affichée d’Eviation est de « construire de beaux avions électriques à l’aide d’une technologie de pointe et d’un design irréprochable, imaginés et construits par une main-d’œuvre engagée et experte ». En embarquant une charge maximale entre 1 133 et 1 179 kg selon version, Alice est doté d’une vitesse de pointe de l’ordre de 480 km/h.
Pour le propulser, deux moteurs électriques à hélice de type magni650 fournis par magniX. Comme sur la plupart des réacteurs des jets classiques, ils sont fixés sur le fuselage, tout à l’arrière de l’appareil. « Ce sont les seuls systèmes de propulsion électrique éprouvés en vol à cette échelle », a justifié le constructeur.
Pouvant fonctionner à des vitesses comprises entre 1 200 et 2 300 tours par minute, selon les spécifications communiquées par magniX, le moteur magni650 développe une puissance nominale de 560 kW (760 ch) pour un couple de 2 820 Nm. A leur maximum, ces chiffres peuvent grimper à 640 kW (870 ch) et 3 020 Nm. Avec un poids nu de 200 kg, ce modèle peut être exploité jusqu’à une altitude de 10,668 km, soit 35 000 pieds, dans des architectures de 500 à 800 V en courant continu.
En se réservant une trentaine de minutes de vol par sécurité, l’autonomie estimée pour Alice est de 463 km. Ce qui correspond à la cible visée par Eviation : les vols régionaux pour des distances entre 240 et 400 km.
Le constructeur communique pour l’instant de façon évasive sur la batterie, espérant sans doute de meilleure solution à haute densité énergétique pour une exploitation commerciale qui ne pourra pas commencer de toute façon avant 2027. Il est juste question d’un système « avancé très efficace et évolutif à l’infini ». Alice demande 838 m pour décoller, mais seulement 622 m pour atterrir.
Trois versions sont annoncées. En plus de celle pour le transport de 9 passagers, devraient coexister un modèle avec « cabine exécutive élégante et sophistiquée » pour 6 personnes, et une version eCargo pour acheminer messagerie et marchandises.
La configuration eCargo intéresse plus particulièrement DHL Express, comme l’a indiqué Geoff Kehr, vice-président principal pour la gestion de la flotte aérienne : « Le premier vol d’Alice confirme notre conviction que l’ère de l’aviation durable est arrivée. Avec notre commande de 12 avions e-cargo Alice, nous investissons vers notre objectif global de logistique zéro émission ».
Les compagnies aériennes régionales américaines Cape Air et Global Crossing Airlines préfèrent les versions pour le transport de personnes. Elles ont respectivement signé pour 75 et 50 exemplaires d’Alice.
« Nous effectuons actuellement plus de 400 vols régionaux par jour, reliant plus de 30 villes à travers les Etats-Unis et les Caraïbes. Alice peut facilement couvrir 80 % de nos opérations aériennes, offrant des voyages durables et sans émissions aux communautés que nous desservons », a commenté Dan Wolf, fondateur et président du conseil d’administration de Cape Air.
Avec une envergure de 19,2 m, pour une longueur de 17,40 m et une hauteur de 3,84 m, les passagers et marchandises seront accueillis dans une cellule qui offrira au mieux un espace de 1,93 x 1,50 m. Même s’il a été court, le premier vol a fourni a Eviation de nombreuses données pour améliorer Alice.
« Les gens savent maintenant à quoi ressemble une aviation abordable, propre et durable pour la première fois avec un avion tout électrique à voilure fixe », s’est réjoui Gregory Davis à la tête de l’entreprise de construction aéronautique.
Entre 1 500 et 2 500 heures de vol seraient encore nécessaires avant qu’Alice puisse entamer sa carrière commerciale. « Nous serons alors à la pointe de l’innovation dans le domaine du transport aérien durable et façonnerons ainsi à la fois le transport des passagers et du fret de l’avenir », a conclu le PDG.
Pour qu’un avion puisse voler, la traction de l’hélice doit être égale à la traînée et donc la puissance développée par le moteur et l’hélice est égale au produit de la traînée par la vitesse. Si P est la puissance fournie par les batteries, nh le rendement hélice et nm le rendement moteur, Fx la trainée et V la vitesse, nous pouvons écrire : P . nh . nm = Fx . V (5) D’autre part un autre paramètre bien connu des aviateurs est la finesse f , elle est égale au rapport de la portance par la traînée, en remplaçant la traînée par Fz/f ,nous avons : P . nh . nm = (Fz/f) . V (6) Toujours pour que l’avion puisse voler, la portance doit équilibrer le poids, donc si M est la masse de l’avion et 9,81 m/s2 l’accélération de la pesanteur, nous avons : P . nh . nm = (M/f) . V . 9.81 (7) Nous allons maintenant introduire un nouveau paramètre Em, il s’agit de l’énergie massique. Ce dernier est important pour caractériser une batterie, il représente la quantité d’énergie par unité de masse. Pour une batterie, la quantité d’énergie est souvent exprimée en Wattheure plutôt que le Joule et nous utiliserons cette unité. La puissance est liée à l’énergie par la relation suivante : P = W/t D’autre part sachant que W = Em × Mb (Mb étant la masse de la batterie) nous savons : Em × Mb = P × T (8) T étant exprimé en heures. Pour etre cohérent avec les wattheures, l’unité de vitesse sera le Km/h , sachant que V (m/s) est égale à V (Km/h) divisé par 3,6 En utilisant les équations (7) et (8) , nous avons : Em × Mb × nh × nm × f × 3,6 = M × 9,81 × V × T (9) Si nous remplaçons V (vitesse) par la distance franchissable Df (Km) divisée par le temps (heure), la variable T disparaît et nous avons finalement l’équation suivante : Df = 0,367 × f × ηh × ηm × Em × Mb/M (10) Voici donc la formule qui donne la distance franchissable d’un avion électrique en fonction de différents paramètres. Appliquons cette formule à l’avion électrique “Alice”. La finesse peut etre estimée à 20, ce qui est une valeur courante pour les avions bien optimisés comme devrait l’etre Alice. Les rendements hélices et moteurs peuvent etre estimés à 0.9. Les densités énergétiques des batteries lithium sont proches de 200 Wh par Kg, donc Em = 200 D’après la doc disponible sur le net, les batteries représenteraient 60 % de la masse totale, donc Mb/M = 0.6. En appliquant ces paramètres à Alice, la distance franchissable serait de 714 Km. En prenant 30 mn de réserve, ce qui fait à la vitesse de 480 Km/h, 240 Km Nous aurions donc une autonomie de 714 – 240 = 474 Km ce qui correspond à l’autonomie annoncée dans l’article avec 30 mn de réserve
Revenons à la formule exprimant l’ autonomie et voyons sur quels paramètres l’on pourrait agir pour améliorer celle-ci. D’abord la finesse f , 20 est déjà une très bonne valeur pour un avion commercial. Il serait peut-être possible d’obtenir 25 à 30 au prix d’améliorations innovantes en aérodynamisme mais guère plus. Les rendements moteurs et hélices sont déjà optimisés. Le rapport Mb/M correspondant au pourcentage de la masse des batteries par rapport à la masse totale de l’avion. 60 % est déjà un bon compromis et il paraît difficile de faire mieux. Reste un seul paramètre : la densité énergétique des batteries. C’est le seul paramètre qui permettrait d’augmenter sensiblement l’autonomie et de rendre cet avion plus dans le domaine du faisable que celui de l’utopie. Une densité énergétique multipliée par 3 permettrait une autonomie de 1900 Km. Malheureusement de telles batteries n’existent pas pour l’instant. Il reste aussi le problème de la sécurité liée à l’utilisation de ces batteries qui peuvent s’enflammer brutalement. Bref sans un progrès significatif dans l’amélioration de la densité énergétique des batteries, je ne pense pas que l’avion électrique commercial ait un avenir.
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