Leader de la location longue durée de véhicules, Arval a diversifié ses activités pour devenir le spécialiste des nouvelles mobilités. Cette filiale du groupe BNP Paribas a également créé il y a une quinzaine d’années un observatoire de la mobilité. L’Arval Mobility Observatory a trois fonctions au sein du groupe. La première consiste à informer les acteurs du marché de la mobilité à travers un certain nombre de publications. Des publications réalisées en partenariat avec des experts pour creuser et vulgariser certains sujets. L’observatoire a également une fonction de formation afin de permettre aux décideurs de mieux organiser la gestion de leur flotte. Enfin, il a une fonction d’alerte sur des sujets présentant un enjeu pour le développement des mobilités en entreprise. Dans ce cadre, il vient de publier un cahier sur les enjeux du recyclage des batteries. Interview de son Directeur Régis Masera pour nous présenter cette étude.
Régis Masera, vous venez de publier une étude très complète sur les enjeux du recyclage des batteries. En quoi ces enjeux revêtent-ils aujourd’hui une importance toute particulière ?
Trois types d’enjeux rentrent en ligne de compte. Le premier concerne la construction des batteries et la récupération des matières premières qui enregistrent des hausses de prix inédites. Outre cet aspect économique, il y a également un sujet sur le mode d’extraction de certaines terres rares. Se pose également la question de la dépendance industrielle à l’égard de certains pays. D’autre part, dès 2030, l’Europe va devoir gérer des flux importants de retour de batteries. Cela nous amène à un troisième levier stratégique qui concerne la structuration de la filière européenne du recyclage. Pour l’instant, nous avons beaucoup d’annonces, mais la filière reste à développer et son organisation représente un enjeu stratégique.
Quels sont les principaux objectifs de votre étude ? Pensez-vous que le recyclage des batteries n’est pas suffisamment mis en lumière et passe au second plan derrière le bilan économique et écologique sur la production et l’utilisation du véhicule électrique ?
Effectivement, le recyclage des batteries a tendance à passer au second plan et n’a pas l’importance qu’il mérite. Néanmoins, depuis la publication de notre cahier au second semestre 2022, le sujet prend de l’importance avec notamment l’annonce d’investissements. Il reste cependant encore beaucoup de chemin à parcourir. Ce cahier a pour objectif de mettre en exergue les enjeux autour de la création de cette filière de recyclage. Un sujet assez complexe car il y a plusieurs façons d’appréhender le recyclage des batteries. Il convient en premier lieu de savoir ce que l’on veut faire de ces batteries. Un choix entre une logique de récupération de matières premières, la réutilisation de ces batteries en seconde vie ou un reconditionnement pour la remettre à neuf. Ce choix conditionne tout le modèle économique de la filière.
Le recyclage des batteries peut-il à terme devenir une source d’approvisionnement alternative en matériaux rares ?
Complètement. Aujourd’hui, on a déjà acheté une partie de ces matières premières et en ce moment à des prix extrêmement élevés. Nous avons cette matière première à portée de mains. Plutôt que de l’acheter à l’autre bout du monde, le recyclage des batteries nous rend moins dépendant de certains pays. Il permet aussi d’avoir des cycles de traitement plus courts et d’optimiser financièrement le coût de ces batteries.
Vous regrettez une certaine inertie de l’Europe sur le sujet. Dans quelle mesure est-elle en retard sur la Chine et les Etats-Unis ?
Non seulement elle a pris du retard, mais l’Europe se trouve prise dans un étau. La Chine commercialise des véhicules électriques depuis près de 30 ans et dispose d’un véritable retour d’expérience. Les Chinois ont déjà testé beaucoup de choses notamment sur les façons de recycler. De plus, la Chine dispose aujourd’hui des matières premières et des batteries. D’un autre côté, les Etats-Unis ont adopté une logique d’anticipation sur la prochaine génération de batteries. Entre les deux, l’Europe se pose des questions sur quel modèle il faut partir et sur la façon de légiférer. Même s’il reste légitime de prendre le temps de la réflexion, à un moment il faut agir. L’Europe a eu du retard à l’allumage et doit accélérer le rythme si elle veut répondre aux enjeux de volume. Ces derniers vont arriver dans peu de temps, dès 2030, un horizon très court à l’échelle industrielle.
Le développement d’une industrie européenne revêt également un enjeu stratégique. Pourrait-il réduire la dépendance à l’égard de la Chine, encore très forte sur toute la chaîne d’approvisionnement du véhicule électrique ?
En tout cas, il peut y participer et constituer un levier pour y parvenir. Encore faut-il s’entendre sur à quelle échéance. Aujourd’hui, la Chine est incontournable en termes de matières premières, de fabrication des batteries et maintenant des véhicules. Redevenir totalement indépendant reste improbable, mais il faut travailler à développer un maximum de solutions de contournement ou de compensation. Des solutions qui nous permettent petit à petit de reprendre la main.
Si l’industrie du recyclage des batteries reste encore à l’état embryonnaire en Europe, assiste-t-on néanmoins à l’amorce d’une structuration de la filière ?
Incontestablement, nous commençons à voir une certaine effervescence. Je pense d’ailleurs que le sujet de la dépendance géopolitique a permis d’accélérer la prise de conscience. Nous avons assisté à plusieurs annonces de plans d’investissement et nous allons maintenant regarder comment ils se mettent en œuvre. Pour autant, nous vivons sans doute un moment important et la structuration de la filière européenne du recyclage semble lancée. Une filière qui a plutôt de belles perspectives d’avenir. En effet, à l’horizon 2030, l’Europe devrait représenter 22 % du total mondial des batteries à recycler.
La multiplication des projets de gigafactories en Europe représente-t-elle une chance à saisir pour l’industrie du recyclage ?
Dans le recyclage, il faut considérer deux choses. Il y a le recyclage de batteries en tant que telles et celui des déchets liés à leur production. Forcément, bénéficier des gigafactories en Europe permet déjà de répondre à l’enjeu du recyclage des déchets. Pour celui du recyclage des batteries en fin de vie, il y a des synergies à créer avec leur fabrication dans les gigafactories. Cela semble évident mais pas forcément simple à mettre en œuvre.
En conclusion, le recyclage des batteries peut-il contribuer à améliorer encore davantage le bilan écologique du véhicule électrique ?
Cela parait évident. Cela va permettre des gains sur les transports de matières premières et de batteries qui viennent du bout du monde. Il convient toutefois de rester vigilant sur les méthodes de recyclage. Actuellement, nous avons deux méthodes principales : l’hydrométallurgie et la pyrométallurgie. Il faut absolument encadrer ces deux procédés afin qu’ils ne génèrent pas trop de polluants dans l’air. Une nécessité pour maintenir le gain écologique du véhicule électrique qui semble aujourd’hui de moins en moins contesté. Il ne faut pas s’arrêter à la conception et au taux de recyclage en fin de vie. Il importe de voir comment ce recyclage est réalisé réellement.
Cela fait-il partie des objectifs de la réglementation européenne sur le recyclage ?
Cela en fait bien sûr partie. Il convient de normer cette activité et d’éviter de voir brûler des batteries à ciel ouvert aux quatre coins du monde. Pour revendre une matière première aujourd’hui très recherchée et faire du business à court terme, beaucoup pourraient passer outre. Il faut absolument reprendre la main là-dessus et la règlementation doit y contribuer. La Commission européenne a adopté sa directive sur le recyclage le 9 décembre dernier. Mais comme toutes les directives, tous les pays membres doivent maintenant l’entériner.
INFOS
Arval Mobility Observatory
22, rue des Deux Gares
92564 Rueil-Malmaison Cedex
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